samedi 28 novembre 2015

Erdoğan offre à la Syrie la reconquête de son espace aérien


C’est fait : le système mobile de défense antimissile S-400 « Triumph » (portée : 450 km) vient d’être installé à la base aérienne Hmeymim à 50 km de la frontière turque. Le croiseur lance-missiles (longue portée) Moskva vient à bride abattue stationner près des côtes turques. Les protocoles russes de combat aérien ont été modifiés en adjoignant des chasseurs aux bombardiers en mission.
Le gouvernement syrien, donc Poutine, aura le contrôle absolu du ciel, et la coalition américano-européenne se retrouvera à devoir par prudence demander à la Russie l’autorisation de voler au-dessus du territoire syrien… sans parler de la Turquie.
Le directeur du German Marshall Fund, Özgür Ünlühisarcıklı, conçoit la possibilité de voir des avions turcs abattus : « Les avions turcs violent quotidiennement la frontière syrienne, que ce soit en reconnaissance ou en opérations… et de même que la Turquie invoque ses protocoles de combat, les Russes peuvent déclarer les leurs, invoquant leur droit de protéger l’espace aérien de leur allié » (The Globe and Mail, 26 novembre).
Fini les faux amis, les coalitions du double jeu, la fausse lutte contre le califat ? Les frontières turques ouvertes aux touristes du Bataclan, au négoce du pétrole avec le califat ? Bref, fini les faussaires ? Tel est le cheminement de la colère froide de Poutine : es-tu mon ami ou mon ennemi ? Tout cela au moment où les pylônes ukrainiens sautent pour priver la Crimée d’électricité… 

C’est une escalade majeure, qui surprend Washington après le traquenard-en-17-secondes lancé par ces F-16 américains justement livrés début novembre à Istanbul (Fox News)… et après l’envoi de 50 commandos des forces spéciales américaines dans les zones où métastasent de tendres djihadistes modérés.

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On voit que les frappes russes se concentrent près de la frontière turque:
là où passent trafics de pétrole, d'armes et de djihadistes

Les médias américains politiquement corrects (CNN) ou souffrant du complexe militaro-industriel (Fox News) ont pris, ce 25 novembre, toute la mesure de l’enjeu. Selon Bob Baer, l’ex-agent de CIA déjà cité dans ces colonnes, « du point de vue de Poutine, une ligne a été franchie lorsqu’un de ses avions a été abattu [par son propre partenaire économique], qu’un de ses pilotes en parachute a été tué [non-respect du droit de la guerre] et que l’hélicoptère de sauvetage du 2e pilote a été détruit au sol avec un missile portable… américain », Bob Baer répétant depuis trois jours que les guerres mondiales commencent comme ça.
Les journalistes, eux, sont étonnamment modérés à l’encontre des Russes dans cette affaire, encore sous le coup de l’incident du stade d’Istanbul survenu deux jours après les attentats commis par l’aile européenne du califat à Paris (sifflets et huées à l’encontre de la minute de silence honorant les morts de la France, ponctués par de vigoureux « Allah u akbar ! »).
CNN a même fait l’effort d’interviewer une charmante jeune Turque très laïque et fashionista (« Si on abat un avion russe, où est notre combat contre l’État islamique ? »), en contrepoint d’un commerçant du qui soutient l’action d’Erdoğan.
Le public américain, un tantinet islamo-turcophobe, n’y voit que du feu. Pour Poutine, Obama a déjà franchi la ligne depuis longtemps.



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