mardi 27 octobre 2015

Flirter avec la Turquie porte malheur … mais l’UE ne l’a pas encore compris

L’UE ne l’a pas encore compris et encore moins Mme Merkel convaincue qu’Ankara prendrait mieux soin des réfugiés en échange d’une aide de 3 milliards d’euros et d’une entrée, envisagée depuis longue date mais constamment repoussée, dans l’espace unioniste. C’est dire que la Turquie a vraiment toute sa place au sein de l’Europe occidentale !
Comment ne pas y inviter un État en voie d’islamisation rampante, soutien parfait des djihadistes de tous bords, qui n’a pas tellement changé depuis le massacre des Arméniens vu avec quelle facilité il s’applique aujourd’hui à massacrer les Kurdes parce qu’ils combattent, de un, Daesh, de deux, parce que le méchant Assad promettrait l’indépendance aux Kurdes syriens en cas de victoire du baasisme et que, dans un élan naturel, ce désir d’autonomie gagnerait l’ensemble du monde kurde ? Désolée de broder des phrases à la Proust, mais des virgules en grand nombre, il en faut bien pour illustrer le degré de compatibilité de l’univers civilisationnel turc avec l’univers civilisationnel européen !
Flirter avec la Turquie porte malheur … mais l’UE ne l’a pas encore comprisEn termes plus directs, n’en pouvant plus des débordements migratoires dont elle est l’objet depuis des mois déjà, l’Europe bruxelloise entend acheter la connivence d’un Etat en très grande partie responsable, en tout cas sur le terrain, de ces mêmes débordements, pourvu que celui-ci accepte d’y mettre un terme ou du moins d’alléger le triste sort des pays concernés. Dans le même ordre d’idée, M. Hollande semble reconnaître que les bonnes grâces d’Ankara pourraient coûter bien cher dans la mesure où elles pourraient servir de prétexte à la libéralisation du régime des visas avec la France, en conséquence de quoi nous verrions passer la frontière des éléments assez peu fréquentables (enfin, encore plus d’islamistes pour clarifier les euphémismes du Président français). Je me demande si les apprentis sorciers de Bruxelles n’ont pas perdu la raison : s’il est vrai qu’une libéralisation du régime des visas est à craindre, qu’en serait-il en cas d’adhésion de la Turquie à l’UE ? Au lieu de régler le problème en remontant à sa source, les Hollande et Merkel préfèrent pactiser avec Erdogan, lui-même subissant la pression des States, d’un côté – suspension du Turkish Stream et manipulations américaines autour du dossier kurde – de l’autre, conscient de la dépendance gazière de son pays de la Russie qui tout en rasant les positions de Daesh et d’autres groupes islamistes actifs dans la région, s’évertue néanmoins à garder un certain équilibre dans ses relations diplomatiques avec la Turquie (voir prestation du 19.10 de Maria Zakharova, porte-parole du MID, dans laquelle elle dit que le Kremlin n’a « aucun problème avec la Turquie » malgré « quelques divergences cruciales liées à la divergence des intérêts régionaux des deux Etats »). Cette relation hyper fragile quoi qu’on en dise mais nécessaire sur un plan tant gazier que stratégique, la solution pour la Syrie passant par une entente accessoire avec Ankara, n’est pas faite pour plaire à Washington qui a joué le coup du drone russe ( ?) envoyé depuis la Syrie et abattu dans l’espace aérien turc.
Très clairement, l’interaction Turquie/ US / nébuleuse islamiste/ Russie est d’une telle complexité que l’UE risquerait fort à mettre les doigts dans l’engrenage sachant que la Turquie, primo, soutient le Califat qui a des vues sur l’Europe, deuzio, que les USA ne renonceront jamais à leur stratégie d’affaiblissement de l’UE. Qui finance les passeurs ? Comment se fait-il que l’ex-ambassadaur américain à Paris, M. Rivkin, ait été très engagé dans le soutien des minorités ethniques et confessionnelles en France au point de dresser un rapport détaillé intitulé « Embassy Paris – Minority engagment strategy » dans lequel il regrette l’intolérance à son sens anti-républicaine du peuple français ? Nous revenons donc à la case départ : une entente de l’UE avec la Turquie telle qu’elle est envisagée par les technocrates de Bruxelles ne portera jamais les fruits attendus. C’est un piège. Une impasse. Ignorerait-on le rôle véritable de la Turquie en 2007 lors du Congrès constitutif anti-impérialiste organisé par la CIA à Ternopol, un Congrès fort sympathique qui a rassemblé toutes les engeances néo-nazies et salafistes connues en Europe ? Tout un beau monde démocratique s’y était joyeusement entassé, de l’Emir autoproclamé du Caucase, M. Oumarov, au chef de fil des bandéristes pro-Maïdan alors futur secrétaire adjoint du Conseil de Sécurité nationale d’Ukraine, M. Iarosh. C’est sans oublier un autre personnage remarquable quoiqu’assez ignoré des médias occidentaux, descendant spirituel des Tatars de Crimée collabos pro-nazis, grand ami de Sakharov dans les années 60, un certain Moustafa Djemilev qui lors du Congrès mondial des Tatars d’Ankara qu’il a présidé en 2015 a appelé à la création d’une brigade internationale islamiste en Crimée soutenue manu militari par les milices bandéristes et biberonnée par la CIA. C’est le même qui avait appelé M. Davutoglu à boycotter les résultats du référendum criméen de mars 2014 et le même qui via le renseignement turc contribua à l’acheminement place Maïdan de jeunes combattants salafistes tatars de retour de Syrie.
Si l’UE trouve possible de collaborer avec le triangle infernal CIA/ bandéristes/ salafistes, autant reconnaître que le chapitre est clos. A moins que Paris et Berlin ne soient davantage impressionnés par la surabondance de camps d’entraînement de Daesh et d’al-Qaïda (les modérés d’al-Nosra en Syrie) à la frontière turco-syrienne, fait de nouveau confirmé par le mécontentement de la Chine qui prétend, sans doute suite à la consommation de champignons hallucinogènes, que la Turquie entraînerait ses minorités ouïghours intégrées à Daesh. En outre, il est actuellement établi que des milices takfiries ont reçu des soins médicaux à l’hôpital de Sauliurfa, fait initialement rapporté en été 2015 par une jeune infirmière alaouite engagée par mégarde puis confirmé aussi bien par la chaîne iranienne internationale PressTV que plus indirectement par le quotidien national turc Zaman. L’hôpital en question est supervisé par la fille d’Erdogan.
Tous ces éléments sont certes bien connus mais la manière dont je les ai compilés permet de dresser un tableau d’ensemble en harmonie totale avec les aspirations humanistes de Bruxelles. Après tout, pourquoi pas sachant que les Frères musulmans ont pignon sur rue en Europe occidentale alors que l’organisation est interdite en tant que terroriste dans un pays musulman comme l’Egypte ?
Il semblerait que Bruxelles, manipulé de l’Outre-Atlantique, ait définitivement fait son choix d’orientation. Il consiste au mieux à appliquer un cautère sur une jambe de bois, au pire, à livrer les pays membres de l’UE à l’islamo-nazisme. Kiev n’a été en ce sens qu’un galop d’essai. Un terrain d’entraînement comme le furent antérieurement l’Afghanistan et la Yougoslavie aujourd’hui disparue à travers l’instrumentalisation de l’islamisme aux frontières des ex-républiques soviétiques et au coeur du monde slave. Si le choix de Bruxelles avait été différent ou s’il n’avait pas été conditionné par ceux qui ont enfermé l’Europe des nations souveraines dans le carcan unioniste, sans doute verrions-nous apparaître une Coalition russo-européenne (sans les USA !!!) encore plus efficace que la Coalition russo-irano-irako-syrienne qui au juste mot de l’islamologue Bassam Tahhan contribue non seulement au rapprochement historiquement difficile du chiisme avec le sunnisme mais contribue aussi à ressouder les débris du monde sunnite la stratégie néo-conservatrice du chaos détruisant le sunnisme et de façon plus générale l’islam de l’intérieur. Mme Merkel a certes reconnu qu’il n’y avait pas de solution diplomatique en Syrie sans la Russie. Mais au-delà des mots ?
Françoise Compoint
source: http://novorossia.today/flirter-avec-la-turquie-porte-malheur-mais-l-ue-ne-l-a-pas-encore-compris/

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 Gog et Magog. La Turquie , Daech et Israël