lundi 5 septembre 2016

Les temps forts de l’interview de Poutine par Bloomberg

Le 2 septembre, lors du Forum économique oriental qui se tient à Vladivostok, le président russe a donné une interview au holding international d’information Bloomberg – la discussion portait sur les questions clés de la politique et de l’économie mondiales. Voici l’essentiel des propos de Vladimir Poutine.

Russian president Vladimir Putin
Vladimir Poutine  interviewé
par le rédacteur en chef de l'agence
Bloomberg News John Micklethwait
1. La Russie est prête à engager une discussion sur les îles Kouriles avec le Japon
Le premier ministre japonais Shinzo Abe était parmi les invités du forum de Vladivostok. Interrogé par Bloomberg sur un accord éventuel entre la Russie et le Japon concernant l’archipel des Kouriles (territoire disputé par la Russie et le Japon suite à la Seconde Guerre mondiale), Vladimir Poutine a déclaré que la Russie était prête à reprendre le dialogue, qui avait été gelé à l’initiative du Japon il y a quelques années. Il ne s’agit pourtant pas de commerce autour de ces territoires, il faut chercher un compromis qui puisse convenir aux deux parties.
« Cela n’a rien à voir avec un quelconque échange ou une vente », a précisé M. Poutine. « Il s’agit de trouver une solution qui ne désavantagerait aucune des parties ».
2. La révision des résultats de la Seconde Guerre mondiale est inadmissible
Le correspondant de Bloomberg a demandé en plaisantant à Vladimir Poutine si la Russie était, par exemple, prête à rendre Kaliningrad (ancienne ville allemande de Königsberg, rattaché à l’issue de la Seconde Guerre mondiale). Le président a pourtant répondu avec tout son sérieux : la révision des résultats de la Seconde Guerre mondiale est une boîte de Pandore et il serait très dangereux de l’ouvrir.
« Nous devrons discuter de Kaliningrad mais aussi des territoires de l’Est d’Allemagne, de la ville (ukrainienne, ndlr) de Lvov, anciennement partie de la Pologne, et ainsi de suite », a déclaré M. Poutine. Il estime qu’il est préférable d’éviter cela.
3. Moscou continuera à développer et à diversifier ses relations avec Pékin
Le président russe explique la baisse des échanges commerciaux avec la Chine (70 milliards de dollars en 2015 contre 200 milliards visés à l’horizon 2020) par la chute des prix du pétrole et du gaz, biens d’exportation traditionnels pour la Russie. Cependant, la Chine reste un partenaire très important pour la Russie et la coopération entre les deux pays se développe dans de nombreux domaines.
Outre le commerce pur, la Russie et la Chine ont adopté un tout nouveau niveau de coopération, explique le président russe. Il a énuméré les nouveaux domaines de collaboration : programmes spatiaux, construction mécanique, chemins de fer à grande vitesse, construction de la centrale nucléaire de Tian Wan, etc.

4. La Russie appelle au gel de l’extraction pétrolière
A propos des prix du pétrole, tombés à un niveau historiquement bas, M. Poutine a souligné : la Russie soutient l’idée d’une stabilisation des prix via le gel du niveau de l’extraction et n’a pas changé sa position. La stabilisation des prix n’a pas été possible à cause de la politique menée par d’autres pays producteurs de pétrole, notamment l’Arabie saoudite. Le président a déclaré que cette question pourrait être soulevée lors de sa rencontre avec l’adjoint du prince héritier saoudien au sommet du G20.
Pour Vladimir Poutine, la politique optimale des pays producteurs de pétrole se présenterait ainsi : gel de l’extraction à un certain niveau avec un certain nombre d’avantages pour l’Iran, arrivé sur le marché suite à la levée des sanctions. « L’Iran commence très bas, en raison des célèbres sanctions qui ont été imposées à ce pays », a déclaré Vladimir Poutine. « Il serait injuste de maintenir le pays au niveau des sanctions ».
5. Le Kremlin prêt à une réduction du rôle de l’État dans l’économie russe
Dans son entretien avec Bloomberg, le président russe a évoqué la vente potentielle de 19,5% des parts de la principale compagnie pétrolière russe Rosneft (l’Etat possède actuellement 69,5% des parts) et a indiqué que la Russie soutenait la poursuite de la privatisation des actifs économiques. La vente d’un paquet d’actions de Rosneft est prévue pour cette année. M. Poutine a également déclaré que la Russie envisageait de privatiser une partie des parts d’Alrosa, l’une des plus grandes compagnies d'extraction diamantifère au monde.
6. La Russie n’est pas impliquée dans le piratage des serveurs du Parti démocrate ; Moscou est prêt à travailler avec n’importe quel président américain
Poutine a de nouveau rejeté les accusations de piratage des serveurs du Parti démocrate américain. La presse occidentale avait suggéré que des hackers russes étaient derrière la fuite d’information. « Je ne sais rien de tout cela, la Russie n’a jamais fait une chose pareille au niveau étatique », a souligné le président.
Interrogé sur ses préférences entre Clinton et Trump pour le rôle de locataire de la Maison Blanche, le président russe a répondu : « J’aimerais travailler avec une personne capable de prendre des décisions raisonnables et de mettre en œuvre les accords que nous concluons ». La Russie n’interfère pas dans les affaires internes des autres pays, a-t-il souligné.

7. Le G20 devrait se concentrer sur l’économie
A propos de la politisation croissante du sommet du G20 (qui se tiendra à Hangzhou, en Chine, les 4 et 5 septembre), le président russe a rappelé que le G20 était avant tout un forum de discussion sur l’économie et que c’est précisément sur les questions économiques qu’il faut se concentrer.
« Je pense que le G20 ne devrait pas s’en mêler (de politique, ndlr), il y a d’autres espaces pour cela », a déclaré Poutine à propos d’une éventuelle discussion sur la question syrienne au sommet. Pour lui, l’Onu et le Conseil de Sécurité sont les lieux les plus propices à ce genre de discussions.

8. La Russie est intéressée par une Europe stable et un euro fort
Concernant l’avenir de l’Union européenne et de la zone euro après le Brexit, Poutine a estimé que les principaux pays de l’Union occupaient une position pragmatique sur les questions économiques, ce qui aiderait probablement à renforcer l’euro et à répondre aux problèmes économiques qui se posent devant l’Europe.
« Certaines décisions pourraient être prises pour consolider un groupe de pays ayant de niveaux égaux de développement et ainsi, à mon sens, renforcer l’euro », a déclaré le président. Il a rappelé que 40% des réserves de change russes étaient en euros, ainsi, malgré les divergences politiques existantes, la stabilité de la zone euro est capitale pour Moscou.
9. Les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne dépendent des Etats-Unis
Au sommet du G20 à Hangzhou, M. Poutine rencontrera le nouveau premier ministre britannique Theresa May pour la première fois. Interrogé sur l’avenir des relations russo-britanniques dans le contexte du Brexit, M. Poutine a répondu : « Les relations de la Grande-Bretagne avec la Russie ne dépendent pas de sa présence ou de son absence dans l’UE, mais de ses relations spéciales avec les Etats-Unis ».
Pour Vladimir Poutine, les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne n’étaient pas au mieux ces derniers temps, mais pourraient s’améliorer si Londres menait une politique extérieure plus indépendante.
10. Un accord entre les Etats-Unis et la Russie sur la Syrie est possible
Le président a souligné que les pourparlers entre la Russie et les États-Unis sur la question syrienne étaient difficiles. Pour avancer, il est nécessaire de délimiter l’opposition modérée et les terroristes et cette question reste en suspens depuis le début des négociations. Par ailleurs, le président russe estime qu’un progrès est possible prochainement : « Je n’exclus pas que nous saurons nous entendre sur quelque chose prochainement et présenterons nos accords à la communauté internationale ».
M. Poutine a par ailleurs déclaré que la Russie était en contact avec la Turquie et ne s’opposait pas à son opération dans le nord de la Syrie. 

2 septembre 2016 Oleg Egorov
The point is that John Micklethwait, the editor-in-chief of Bloomberg who interviewed the Russian president, is not merely a journalist, but one of many journalists who has participated for many years in meetings of the Bilderberg Club as a full member of this shadow interest group whose opinions determine the policies of Western countries. I think that this explains the unusual format of the interview and the fact that Vladimir Putin called Micklethwait a “specialist” and debated with him more like a politician than a journalist…
If we look at the interview with Putin from this point of view, then we see that this can be considered as Putin’s response to the Western political elite. Here are the key points which I would like to highlight.
And the final important element: the Russian president stressed that if anyone in the American leadership tries to “get rid of us,” we will survive and “who knows who will lose more with such an approach.” 
Then Putin broke the interview format and asked a direct question to the Bilderberg Club representative. Putin asked whether he wants to repeat the Cuban Missile Crisis. John Micklethwait quickly replied that “no one wants to.” From my point of view, this was another clear and unambiguous message to our Western partners. As they say, a kind word and a nuclear weapon can achieve more than just a kind word. All that remains is to hope that our Western partners will draw the right conclusions from the Russian president’s words.