lundi 25 juillet 2016

«Les «islamistes modérés», ça n'existe pas

Que trouve-t-on derrière la fameuse idée d'«opposition syrienne modéré»? Est-elle vraiment si loin du djihadisme ? Randa Kassis, co-auteur avec Alexandre del Valle du livre «Le Chaos Syrien», se penche sur la question pour RT France.

«Les «islamistes modérés», cela ne veut rien dire». Le 22 juil. 2016

RT France : Un jeune garçon a été décapité par l’opposition syrienne considérée comme modérée. La vidéo de cet acte a été publiée le 19 juillet sur internet. Comment peut-on définir ce qu'est l’opposition syrienne modérée et ce qui ne l’est pas ?

Un islamiste signifie un djihadiste potentiel

Randa Kassis (R. K.): D’abord, l’appellation de «rebelles modérés» ou d’«opposition modérée» a été donnée à l’époque aux rebelles islamistes et à la coalition nationale syrienne soutenue par l’Occident. Cela voulait dire «islamistes modérés» et pas laïques ou opposants modérés. Désormais, «modéré», cela ne veut rien dire, parce que malheureusement cela a été utilisé de telle façon qu’aujourd’hui moi, franchement, j’ai honte de dire que je suis une opposante modérée. Je suis une opposante laïque, politique, qui lutte pour un changement progressif en Syrie, de concert avec la Russie. «Modéré» n’a aucun sens aujourd’hui, parce que tous les islamistes «modérés», qui ont été soutenus et armés par les États-Unis et l’Occident sont islamistes avant d’être modérés. Nous avons vu l’égorgement - l’enfant n’a pas été décapité, mais égorgé - par un mouvement soi-disant islamiste modéré, soi-disant une branche de l’Armée syrienne libre qui démontre encore une fois qu’il en s'agit pas là de personnes avec qui on peut négocier. Ça fait des années que je le dis, il n’y a pas de rebelles armés islamistes modérés, cela n’existe pas. Un islamiste signifie un djihadiste potentiel, il faut le dire clairement aujourd’hui et être suffisamment courageux pour le dire.

Je ne crois pas qu’il y ait une vraie volonté des Etats-Unis de combattre les islamistes modérés 



RT France : Il y a eu récemment une rencontre entre John Kerry et Sergueï Lavrov lors de laquelle leurs positions se sont rapprochées concernant l’opposition dite modérée. Pensez-vous que ce rapprochement puisse avoir un certain effet dans la lutte contre l’Etat Islamique et les islamistes dits modérés ?
R. K. : Je ne crois pas qu’il y ait une vraie volonté des Etats-Unis de combattre les islamistes modérés. Nous avons vu des exactions de la part de ses islamistes modérés, il y a eu l'égorgement de cet enfant. Malheureusement, les Etats-Unis, à mon avis, ne vont pas arrêter, ils n’ont pas de volonté de trouver une solution progressive pour la Syrie. J’ai beaucoup de confiance en la politique russe, j’ai toujours cru que la Russie était un espoir pour le peuple syrien, elle peut présenter un changement progressif, il faut le faire par étapes.

La coalition occidentale n'est pas pour une solution politique mais pour une solution militaire, ils ne savent pas négocier

Pour commencer un processus politique, il faut être réaliste. |...] Il faut y aller tout doucement pour protéger aussi la population syrienne de ces islamistes-là. C’est ce que signifie le processus politique. Jusqu’à aujourd’hui, l’Occident soutient farouchement la coalition qui n’est pas, en réalité une coalition, mais une délégation de Ryad appelée le Haut Comité des négociations. Ces gens-là ne peuvent pas représenter ou défendre de solution progressive et de solution politique, parce qu’ils veulent voir Bachar el-Assad tomber à n’importe quel prix et n’ont même pas un programme, pas de vision, pour savoir qui sera à la place. Ils veulent la chute du régime syrien, mais ils sont tellement faibles que les islamistes, et les autres rebelles qui sont sur le terrain prendront la place. Cette délégation de Ryad est ailleurs, elle ne pourra même pas diriger le pays. Ces gens-là ne sont pas pour une solution politique, ils sont pour une solution militaire, ils ne savent pas négocier. L’Europe s’aligne sur la position de l’Arabie Saoudite, la Turquie est incapable de faire quelque chose pour une solution politique en Syrie.

A chaque fois que les Etats-Unis interviennent dans nos régions, ils y créent le chaos, ce qui les intéresse c’est le chaos avant tout

RT France : Après ce drame du jeune garçon décapité, le département d’Etat américain a déclaré qu’il n'allait pas suspendre son soutien à cette opposition parce qu’il n’y avait pas assez de preuves. Les preuves obtenues, ce groupe islamiste a dit qu'il s'agissait d'une faute, en prétendant avoir cru que ce garçon était un soldat. Pensez-vous que cette explication suffise dans le cadre du soutien aux rebelles de la part des Etats-Unis ?
R. K. : Même si cet enfant travaillait vraiment pour le régime, l’exécuter d’une telle façon est inacceptable, c’est un crime. Il faut quand même être fidèle à ses propres principes : on est contre l’exécution des enfants. En plus, il a été exécuté sans preuve et par égorgement, pour moi c’est un double crime. Nous ne devons pas négocier avec des personnes pareilles. La seule réponse à ces rebelles, c’est tout simplement le combat avec eux, l’extermination, il n’y a pas de dialogue avec des djihadistes potentiels, avec des criminels. Les États-Unis peuvent soutenir même les extrémistes islamistes, on l’a vu dans l’histoire, ce n’est pas la première fois, les États-Unis ont déjà collaboré avec des islamistes. Les islamistes n’ont pas de principes, ils ne cherchent pas une vraie solution en Syrie, ce n’est pas le cas de tous les Syriens laïques qui veulent quand même un pays capable de protéger la population syrienne et ses minorités. Il faut protéger ces populations-là, mais, malheureusement, ce n’est pas avec les États-Unis. A chaque fois que les Etats-Unis interviennent dans nos régions, ils y créent le chaos, ce qui les intéresse c’est le chaos avant tout.

Il faut être encore plus ferme, sinon la France aura un autre attentat, parce que, face à ce laxisme du gouvernement français, les islamistes tenteront encore une fois d’attaquer la France. 


RT France : Après l’attentat de Nice, François Hollande a promis d’intensifier la lutte contre l’Etat Islamique. Il y a eu une série de frappes aériennes à Minbej et 30 frappes où les forces militaires se seraient trompées, ayant visé les quartiers majoritairement habités par les civils. Ces frappes sont-elle une sorte de réaction à l’attentat de Nice ?
R. K. : Il faut savoir que, il y a pas mal de temps, ont eu lieu des combats entre les Kurdes et l’État Islamique autour de Minbej. Les Kurdes sont soutenus par François Hollande personnellement, ce qui a poussé le président Hollande à bombarder Minbej pour aider les Kurdes à le prendre. Ce n’est pas vraiment une réponse à l’attentat de Nice. La position du gouvernement français, à mon avis, est très mauvaise, parce qu’aujourd’hui on ne parle même pas de l’islamiste qui a fait cet attentat et a été radicalisé, on parle toujours d’un perturbé mental, d’une personne qui n’a rien à voir avec l’islam. Je crois qu’il faut avoir à un moment donné le courage de dire les choses comme elles sont : oui, il y a de l’islam radical, oui, l’islam a besoin d’une réforme, oui, celui qui a commis cet attentat s’est radicalisé et est devenu islamiste djihadiste. Il faut être encore plus ferme, sinon la France aura un autre attentat, parce que, face à ce laxisme du gouvernement français, les islamistes tenteront encore une fois d’attaquer la France.

Frapper après l’attentat, c’était un symbole

RT France : Pourquoi alors bombarder en Syrie si l’auteur de cet attentat s’est radicalisé en France et se trouvait sur le territoire de la France ?
R. K. : Frapper après l’attentat, c’était un symbole, mais la vraie raison c’est que le président français est très proche des Kurdes qui combattent l’État Islamique sur le terrain en Syrie. Il a juste trouvé le bon moment de soutenir les Kurdes par un bombardement français à Minbej.