vendredi 22 juillet 2016

La Turquie se tourne vers l’Asie, son espace naturel



L'une des conséquences géopolitiques du coup d'État manqué est que la Turquie finira par tourner le dos à l'UE et à l'OTAN et va se concentrer sur l'Est en général, et vers la Russie en particulier. Elle adoptera également le modèle asiatique de développement, avec une présidence centrale forte et un gouvernement à parti unique dominant, selon des analystes financiers occidentaux. 
Depuis 2007, la Turquie essaie de devenir membre à part entière de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai), mais pour cela, elle devra (a) ne plus aider le terrorisme islamiste, (b) ne plus intervenir en Syrie ou en Irak, et (c) quitter l'Otan.
Le journal financier autrichien Wirtschaftsblatt  a noté avec quel soin les dirigeants turcs ont suivi les réactions molles et tardives de l'Occident à la tentative avortée du renversement.  Ce n’est que le samedi après-midi que sont venus les commentaires du chef de la politique étrangère de l'UE, Federica Mogherini et de Johannes Hahn, le commissaire pour les négociations de la politique européenne de voisinage et d’élargissement. Leur allié principal de l'OTAN, les États-Unis, sont restés muets durant les trois ou quatre premières heures. Ces réactions tardives, confirment si besoin est, nos informations concernant l’implication directe de la CIA/OTAN dans la tentative d’éliminer Erdogan [1].
Cependant, le journal note que le président russe Vladimir Poutine a été le premier à exprimer son soutien à Recep Tayyip Erdogan. Au cours de leur conversation téléphonique de samedi, les deux dirigeants ont décidé de fixer à début Août leur prochaine rencontre.
Timothy Ash, analyste des marchés émergents au sein du géant bancaire japonais Nomura, a déclaré  que les événements du week-end dernier sont révolutionnaires pour la Turquie : "Le caractère et le visage du pays vont changer vers le modèle asiatique de développement: une forte présidence centrale et un gouvernement dominant à parti unique, comme en Chine ou en Malaisie".
L'analyste a également suggéré qu’Ankara va enfin tourner le dos à l'idée d'adhésion à l'UE, qui était de facto morte après le référendum Brexit au Royaume-Uni et le référendum néerlandais antérieur qui a rejeté massivement l'accord d'association de l'UE avec l'Ukraine, les dernières illusions seront mortes lorsque le parlement turc réintroduira la peine de mort. Le Président Erdogan a déjà annoncé que cela se ferait.
Un autre motif pour le rapprochement avec Moscou, dit le journal, est le projet de pipeline TurkStream [2]  et l'intérêt de la Turquie pour les usines russes de centrales nucléaires.
En outre, il a estimé que les livraisons de gaz en provenance d'Israël et d'Iran aideraient la Turquie à se positionner comme un hub central entre l'Orient et l'Occident.

Demi-tour vers l’Eurasie

Le monde unipolaire dominé par les États-Unis depuis la chute du mur de Berlin et la disparition de l’Union Soviétique a muté depuis les récentes années en un monde multipolaire, avec l’Organisation de Shanghai (OCS / SCO en anglais), qui comporte notamment la Chine et la Russie.
La Turquie a bien saisi que depuis le Brexit, qu’entrer dans l’UE n’était plus aussi attractif, d’autant plus que celle-ci se pinçait de plus en plus le nez à l’égard des musulmans en général (sauf ceux qui leur achètent des armes et des clubs de foot et leur fournissent gaz et pétrole à vil prix) et d’Erdogan en particulier. 
Ce dernier a maintenant l’immense "honneur" de rejoindre les « dictateurs » arabo-musulmans qui déplaisent tant à l’Occident : Saddam, Kadhafi, Assad…Comme ces dictateurs  préfèrent veiller au bien de leur peuple qu’à celui de l’Occident, ils méritent donc la mort. Mais, pour le moment, deux en ont réchappé : Assad et Erdogan. Ceci va certainement les rapprocher. 
Or Erdogan est suffisamment futé pour mettre ses 2 pieds dans le même sabot. Attaqué par les USA, rejeté par l’UE, il s’est dit « qu’a cela ne tienne je vais aller voir ailleurs ». Il n’y a qu’un ailleurs si on veut tourner le dos au monde unipolaire des États-Unis et de leur valet européen. C’est l’Eurasie avec l’Organisation de Coopération de Shanghai.

Depuis longtemps, Erdogan lorgnait vers l’OCS

À partir de 2007, le gouvernement d'Ankara a fait  trois fois sa demande sans succès, pour faire partie en tant que membre invité de l'organisation de coopération de Shanghai (OCS). Fondée en 1996 par les gouvernements russe et chinois, en compagnie de trois (et en 2001 d'un quatrième) anciens États soviétiques d'Asie centrale [le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan], l'OCS a alors très peu retenu l'attention de l'Occident, même si elle a de grandes ambitions de sécurité militaire et d'autres aspirations, y compris la création éventuelle d'un cartel du gaz. En outre, elle offre une solution de rechange au modèle occidental de l'OTAN, pour « la démocratie », et pour le remplacement du dollar américain comme monnaie de réserve. Après ces trois refus, Ankara a demandé le statut de «partenaire de dialogue» en 2011, ce qui lui a été accordé en juin 2012.
Un mois plus tard, le Premier ministre turc de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, a fait un communiqué sur ses dires au président de la Russie Vladimir Poutine : «Allez, acceptez-nous dans les Cinq de Shanghai [en tant que membre à part entière] et nous allons changer d'avis sur l'Union européenne.
Erdoğan a repris cette idée le 25 janvier , notant les efforts turcs toujours au point mort pour rejoindre l'Union européenne (UE): "[Si vous agissez] en tant que Premier ministre d'un pays de 75 millions de personnes", a t-il expliqué, "vous commencez à chercher des alternatives. C'est pourquoi j'ai dit à Mr. Poutine l'autre jour: «Allez, prenez-nous dans les Cinq de Shanghai, faites-le, et nous allons dire au revoir à l'UE. Pourquoi ces atermoiements ?" Il a ajouté que l'OCS "est beaucoup mieux, est beaucoup plus puissante [que l'UE], et nous partageons des valeurs en commun avec ses membres."

La manœuvre d'aller vers l'OCS rencontre des obstacles importants: si Ankara continue de mener des actions pour renverser Bachar al-Assad, l'OCS soutient fermement le leader syrien assiégé. Plus fondamentalement, les membres de l'OCS dans leur totalité s'opposent fermement à l'islamisme que soutient Erdogan. Par conséquent, Erdogan devra, obligatoirement, abandonner l’islamisme guerrier des États du Golfe, et, au minimum, arrêter tout acte hostile envers la Syrie et l’Irak. 

Résultat de recherche d'images pour "rois émirs arabes"On devrait selon toute vraisemblance voir un fort effort de la Turquie vers l’OCS et les conséquences sont claires : Projets Balkan Stream et TurkStream  avec la Russie, et Route de la Soie avec les Chinois. Le rêve fou des États-Unis du pivot asiatique [3] claironné par le think tank Strafor (groupe de réflexion créé par le diabolique Georges Friedman) et issu du cerveau sénile de Brzezinski a du plomb dans l’aile.
 
Les États-Unis, qui perdent un précieux allié qui va se rallier à leur ennemi multipolaire, Chine, Russie et Eurasie, sont les grands perdants du revirement Turc. Leur coup d'état raté va leur coûter leur plus grande perte d’influence dans la région depuis des dizaines d’années. Leurs valets arabes, les émirs-momies du Golfe, doivent stocker des "Pampers".

Hannibal GENSERIC