vendredi 1 juillet 2016

France. Menaces de mort contre les antisionistes. Le pouvoir laisse faire

J’ai reçu la semaine dernière - comme de nombreuses personnalités et militants anticolonialistes et antisionistes avant moi - un courriel d’un groupuscule se faisant appeler «Brigade juive » menaçant de me «scalper» et de transformer ma vie en «cauchemar» !

Cette « Brigade juive » - nom tiré d’une bande dessinée - me reproche d’avoir diffusé sur Internet des articles justifiant le boycott des produits manufacturés en Israël et dans ses colonies en Palestine.
Ces menaces font suite à des informations parues dans la presse israélienne annonçant la création, au sein du Shin Bet [1], d’un « Département de délégitimation » qui répertorie et espionne les organisations étrangères faisant la promotion de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), à la nomination de coordinateurs anti-BDS dans les principales ambassades israéliennes. Une unité spéciale dite des « sales tours » est en voie de constitution pour intimider et diffamer les «boycotteurs» les plus en vue.
Je prends au sérieux le message de la « Brigade juive », car il émane d’un groupuscule dépendant de la Ligue de Défense Juive (LDJ), organisation terroriste interdite aux Etats-Unis… et en Israël, mais tolérée - voire soutenue et encouragée- en France.
La LDJ est-elle intouchable ?
Depuis des années, des membres de la LDJ sont accusés d’avoir vitriolé, attaqué au couteau ou à coup de barres de fer, avec des gaz ou des bombes de peinture, des personnes opposées à la politique du gouvernement israélien. Certains ont été arrêtés, mais rarement condamnés. Pour échapper à la justice française les plus dangereux se réfugient en Israël, pays avec lequel la France n’a pas signé de traité d’extradition.
L’unité dite des « sales tours » provoquera des drames. Un certain Grégory Chelli - alias Ulcan, membre de la LDJ réfugié en Israël – s’en est fait une spécialité avec ses « canulars » téléphoniques en attaquant des journalistes et des personnalités selon lui trop critiques à l’égard d’Israël. Fin juillet 2014, il s’en est pris à Benoît Le Corre, du site Rue89, auteur d’un article dénonçant ses activités de hacker. Pour se venger, il a téléphoné aux parents de ce dernier en se faisant passer pour un policier, et leur a annoncés la mort dans un accident de voiture… Puis, deux jours plus tard, il a téléphoné à la police en se faisant cette fois passer pour le père du journaliste, disant qu’il venait de tuer sa femme et son fils. Résultat : le père du journaliste, choqué par l’irruption en pleine nuit de policiers en armes à son domicile, est mort d’une crise cardiaque.
Certes Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a évoqué cette affaire lors d’une entrevue avec Benjamin Netanyahou, mais il n’a obtenu que la fermeture du compte Facebook du hacker. Autant dire peanuts. Ni Fabius, « ni Manuel Valls ni François Hollande n'ont dénoncé publiquement les agissements d'Ulcan », remarquait alors l’hebdomadaire L’Express.

Terrorisme israélien : la politique du « deux poids-deux mesures »

Si j’ai porté plainte pour « menace de mort » contre la soi-disant « Brigade juive », je ne me fais aucune illusion quant au résultat. Je garde à l’esprit celle que j’ai reçue en août 2003 – et adressée à une vingtaine d’autres personnes – accompagnée d’une balle de 22 Long Rifle et du message: « La prochaine n’arrivera pas par la poste » ! A l’époque, un juge avait regroupé les plaintes et la police était parvenue à mettre la main sur le coupable : un extrémiste pro-israélien, retraité d’une société d’import-export.
La perquisition effectuée à son domicile avait permis de découvrir un dépôt d’armes et de munitions, parmi lesquelles une lunette de visée de nuit et des réducteurs de sons. Lors du procès, l’individu s’était montré agressif, nous assimilant à des animaux nuisibles à éliminer. Nous pensions tous que sa condamnation serait exemplaire. Nous nous trompions. Il ne fut condamné qu’à… un euro de dommages - intérêts. C'est aussi ça, la France républicaine, patrie des "droits de l'Homme...sioniste".
La justice française est à géométrie variable lorsqu’elle juge des activités délictueuses liées aux conflits du Proche-Orient. Imaginez le tapage qu’aurait provoqué l’envoi de menaces de mort à des militants pro-israéliens et la peine écopée par son auteur s’il s’était appelé Mohamed…ou Karim B.
Le gouvernement français a décrété l’État d’urgence pour répondre aux menaces de l’État islamique [2]. Ordre a été donné de fermer des sites Internet dits salafistes et d’arrêter les islamistes soupçonnés d’appartenir à des cellules terroristes. Pour ne plus être accusé de faire « deux poids-deux mesures », le ministère de l’Intérieur devrait s’en prendre avec la même rigueur aux extrémistes juifs sionistes.
Les menaces de la soi-disant « Brigade juive » et des services spéciaux israéliens n’étoufferont pas la campagne BDS. Elle gagne du terrain, se développe chaque jour un peu plus en France et dans le monde, car c’est un mouvement de protestation pacifique et efficace pour faire entendre raison à la dernière colonie occidentale au Proche-Orient, la contraindre à respecter les résolutions des Nations unies et les droits de l’homme. En résumé, comme l’a écrit le 1er mai dernier Gideon Levy, journaliste du quotidien Haaretz, c’est « le seul moyen pour empêcher Israël de persister dans ses crimes ». 
Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/

[1] Le Service de sécurité intérieure israélien (Shabak en hébreu, שב"כ "Shabak", acronyme de Shérūt ha-Bītāhōn ha-Klālī שירות ביטחון כללי) aussi connu sous le nom de Shin Bet (qui était le nom sous lequel le Shabak était connu en Israël à ses débuts) ou le GSS (General Security Service, Service Général de la Sécurité), est l’agence de contre-espionnage israélienne.

[2] Voici 10 preuves qu'ISIS/Daech/État Islamique est une création américano-israélienne. 

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USA. Un appel au Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) dans le Washington Post

« Je suis juive, et je veux que les gens boycottent Israël » : c’est avec cet appel clair et déterminé que Rebecca Vilkomerson, directrice de l’organisation américaine « Une voix juive pour la paix » entame un éditorial publié ce week-end par le prestigieux Washington Post.
L’article contient une série d’informations intéressantes montrant qu’une fraction substantielle de l’opinion publique américaine est en train de s’émanciper du matraquage pro-israélien officiel, et reconnaît de manière croissante la légitimité des revendications de la Palestine.
En voici la traduction :
« En 2009, j’habitais à Tel Aviv pendant l’opération dite Plomb Durci. Au cours de cette attaque, Israël a tué environ 1.400 Palestiniens à Gaza. Lorsqu’à un petit nombre, nous sommes descendus dans la rue pour protester, nous avons reçu des œufs sur la tête et des passants nous ont agressés.
Quand je laissais mes enfants à la maternelle le matin, je voyais des parents qui papotaient comme si de rien n’était. Et à ceux qui me demandèrent pourquoi je n’avais pas l’air bien, je répondis qu’effectivement, j’étais plus que troublée par ce qui était en train de se passer à 60 kilomètres de chez nous. J’eus droit à des silences gênés, ou à des déchaînements favorables à l’action militaire israélienne.
Alors, j’ai voulu m’engager concrètement en défense des droits du peuple palestinien, et j’ai donc rejoint le mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS).
Cette campagne non violente a été initiée en 2005 par une vaste coalition d’organisations de la société civile palestinienne, qui en appellent à la solidarité de la communauté internationale tant qu’Israël continuera de violer les droits des Palestiniens. C’est pourquoi j’ai du mal à avaler une récente initiative, prise de manière unilatérale par le gouverneur de mon propre Etat, celui de New York, condamnant le mouvement BDS.
Depuis Plomb Durci, la bande de Gaza a subi deux autres agressions massives. Quelque 500 enfants palestiniens y ont été tués en 2014. Hors campagnes massives de bombardements, les Palestiniens de Gaza restent soumis à un blocus implacable, tandis que ceux de la Cisjordanie subissent une occupation cruelle, faite de check-points, de détention administrative et de démolition de leurs maisons.
En Israël même, les citoyens palestiniens israéliens sont victimes d’un système inégalitaire, tandis qu’à l’extérieur, les réfugiés se voient interdire leur droit au retour.
Bien sûr, il y a également des attaques contre des civils israéliens. Mais comme l’a reconnu le maire de Tel Aviv après un attentat qui a coûté la vie à 4 juifs israéliens, il faut y voir là un terrible symptôme de l’occupation et de la répression qui se perpétuent.
J’ai la conviction qu’Israël ne changera pas sa politique tant qu’il pourra se permettre d’ignorer la pression exercée de l’extérieur.
Le mouvement BDS contribue de manière efficace à changer cet état des choses. Oui, nous avons obtenu des succès, qui vont en s’amplifiant aux États-Unis.
Des Eglises, parmi les plus importantes, ont retiré leurs investissements dans les compagnies qui tirent profit de l’occupation de la Palestine. Des dizaines d’universités américaines ont voté des résolutions dans le même sens. Plus de 100 artistes ont refusé de se donner en spectacle en Israël, et des multinationales, comme G4S ou Veolia, se sont retirées du marché israélien.
On observe aussi une évolution de l’opinion publique. Un sondage réalisé par l’Institut Brookings révèle ainsi que 49% des citoyens se définissant comme Démocrates (au sens de électeur ou membre du Parti Démocrate, NDLR) étaient favorables à des sanctions économiques contre Israël sur la question des colonies. Un sondage de l’Institut Pew, diffusé le mois dernier, montre, et c’est une première, que les personnes se déclarant « Démocrates libérales » (le terme américain « liberal » correspond plus ou moins au terme français « de gauche », NDLR) favorables à la cause palestinienne sont désormais plus nombreuses que leurs homologues pro-israéliens. Au mois de mai, l’Institut IPSOS a trouvé qu’un tiers des citoyens américains sont favorables au BDS, tant qu’Israël ne respectera pas les droits du peuple palestinien.
Ici aux Etats-Unis, le mouvement BDS est férocement attaqué par une campagne stratégique abondamment financée par le gouvernement israélien et ses organisations satellites. Au cours des 12 mois écoulés, 22 Etats ont proposé, voire adopté, des mesures anti-BDS. Une majorité de ces mesures ont pour objet d’interdire à des Etats d’entretenir des relations avec des entités soutenant le BDS. Le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo (un « Démocrate ») a fait de la surenchère, en décrétant, la constitution d’une liste noire des organisations ou entreprises qui ont choisi de ne pas investir en Israël ou qui soutiennent la campagne BDS.
Pour ce faire, Cuomo s’est dispensé de passer par le Parlement de l’Etat de New York, où les partisans de la cause palestinienne et défenseurs de la liberté d’expression, dont de nombreux membres de Jewish Voice for Peace, avaient jusqu’à présent réussi à bloquer un tel projet liberticide.
Cuomo a tort. Il n’est pas discriminatoire de demander des comptes à un Etat pour ses violations du droit international, et du droit international humanitaire en particulier. L’Etat d’Israël et les juifs, ce n’est pas la même chose.
Mes filles, que je déposais à la maternelle en 2009 à Tel Aviv, sont maintenant écolières à Brooklyn (New York).
Elles choisiront peut-être un jour, en tant que citoyennes israéliennes, de vivre en Israël/Palestine. J’espère que ce sera un endroit dont tous les habitants, Juifs et Palestiniens, connaîtront l’égalité et la liberté. De ce point de vue, je pense que le BDS est le meilleur outil à notre disposition pour faire de cette perspective une réalité.
A nos yeux, toutes ces tentatives de législation anti-BDS ne sont que des tentatives, désespérées, pour protéger Israël de la pression indispensable qui doit être exercée sur cet Etat pour qu’il change sa politique. Cuomo est un homme qui se tient du mauvais côté de la barricade.