lundi 11 juillet 2016

Barack à frites dans ses oeuvres

Le sommet néronien de l'OTAN à Varsovie devait évidemment se dérouler au son des tambours et des trompettes. A tout seigneur (saigneur ?) tout honneur, le chef de l'exceptionnalistan, le leader vénéré de la "nation indispensable", a parlé.   Dans une tribune publiée dans le Financial Times à la veille du sommet, Obama a appelé l'organisation atlantique à agir contre "Daech, Moscou et le Brexit". Quel aveu mes aïeux...

Ainsi, le Brexit est une menace pour l'empire au même titre que le grand méchant russe dévoreur d'enfants et l'EI. C'est noté. Extraits :
Barack à frites dans ses oeuvres"L'agression russe contre l'Ukraine menace notre vision d'une Europe unie, libre et pacifique [il est vrai que le coup d'Etat de la CIA a tout fait pour pacifier l'Ukraine...] Le vote britannique en faveur de la sortie de l'UE pose des questions importantes concernant l'avenir de l'intégration européenne" [il a juste oublié quelques mots à la fin de sa phrase : "intégration européenne d'inspiration américaine"].
Chose amusante, là aussi sous forme d'aveu assez éclairant : assisteront à cette réunion des représentants de l'UE et... de la Banque mondiale ! Toutes les tentacules de l'empire se retrouveront donc pour déguster des krupniks accompagnés de grandes rasades de zybrowska. Attention tout de même à écarter l'inénarrable Jean-Claude Juncker de la table, lui qui aime particulièrement la dive bouteille. Il est vrai qu'il a pour l'instant mieux à faire, comme d'empêcher les photographes de s'approcher de sa bête noire...
Barack à frites dans ses oeuvres
Toujours KO debout après le Brexit, Cameron, fidèle second (camarón signifie "crevette" en espagnol, ça ne s'invente pas), roule des épaules et envoie 650 soldats en Europe de l'est pour faire face, je vous le donne dans le mille, à "l'agression russe". Peu importe que même un torchon atlantiste comme l'imMonde reconnaisse que cette menace est illusoire, peu importe que ces quelques bataillons symboliques seraient balayés en cas de guerre, peu importe le coût non négligeable de ce déploiement, c'est le geste qui compte.
Tant il est vrai que dans l'Occident américanisé actuel, la com' et les effets de manche prennent le pas sur le fond. Car derrière la façade et les grandes envolées lyriques, c'est un peu moins va-t-en guerre.
L'opposition syrienne (celle des cafés de Saint-Germain) est furieuse et considère que les États-Unis ont "laissé la main à la Russie" en Syrie. C'est peut-être aussi ce qu'avaient ressenti les faucons du Département d’État lorsqu'ils se sont mutinés le mois dernier. Pour être tout à fait honnête, avouons que la position de Barack à frites n'est pas la plus aisée, entouré qu'il est par les néo-cons, la CIA qui n'en fait qu'à sa tête et se bat contre le Pentagone par groupe syrien interposé, les généraux Folamour et les divers lobbies ayant pignon sur rue à Washington. On se rappelle que l'occupant de la Maison Blanche était déjà fier d'avoir été sauvé malgré lui par Poutine en 2013. Bis repetita ?
A côté des lunatiques qui pullulent dans les allées du pouvoir outre-Atlantique, d'autres forces sont à l'oeuvre, beaucoup moins versées dans le délire militariste. Ainsi, l'association des maires américains a dénoncé le "risque de guerre nucléaire" avec la Russie et appelé le gouvernement à arrêter ses provocations pour se consacrer aux problèmes intérieurs. Du Trump dans le texte, sauf que ce sont 1 400 maires de villes de plus de 30 000 habitants qui ont signé la résolution.
Et puis il y a les junior partenaires européens, pauvres petites choses obéissantes mais qui sont loin de partager l'hystérie américano-polonaise assaisonnée à la sauce balto-ukrainienne. Berlin voudrait bien passer à autre chose - les dures critiques du ministre des Affaires étrangères sur les "gesticulations de l'OTAN" sont approuvées par une majorité d'Allemands (64%) -, Toumou Ier de l’Élysée se veut apaisant - "La Russie n'est ni un adversaire ni une menace" -, le président tchèque souhaite un référendum sur l'appartenance à l'OTAN (et à l'UE tant qu'à faire !), les Suédois sont hostiles à l'entrée de leur pays dans l'organisation atlantique (on sait toutefois qu'en Europe plus qu'ailleurs, les dirigeants ont tendance à rester sourd aux souhaits des peuples).
La presse de Wall Street semble même envoyer des ballons-sonde comme cette idée loufoque émise par Fortune : après le Brexit, la Russie pourrait remplacer le Royaume-Uni au sein de l'UE ! Il fallait y penser... Plus que la proposition elle-même qui prête à sourire, c'est le ton mielleux qui étonne, même s'il est agrémenté de-ci de-là des habituels et inévitables éléments de langage.
Enfin, comment ne pas mentionner le fait que, au moment même où l'OTAN se réunit à Varsovie pour faire face, devant les caméras du moins, au "danger russe", le conseiller à la politique étrangère du candidat Trump se trouve... à Moscou. Participant à une conférence économique, Carter Page a beaucoup parlé de coopération avec la Russie. On ne sait pour l'instant s'il rencontrera des officiels.
On le voit, derrière l'unanimité de façade et les beaux discours, l'empire et ses dépendances est très divisé, faisant souffler le chaud et le froid au gré de ses tiraillements internes et de la prévalence de telle ou telle faction. L'ours, lui, semble ne plus faire attention à l'inconstance presque congénitale qui caractérise maintenant l'Occident et attend tranquillement ce qui se présentera.

9 Juillet 2016 , Rédigé par Observatus geopoliticus