mardi 8 décembre 2015

France. Marine Le Pen : merci Daech, merci Hollande !

Le FN est en passe de l’emporter dans au moins deux, sinon trois régions. Cette poussée frontiste doit beaucoup à la peur post-attentats, mais surtout au discrédit des grands partis, en particulier à gauche. Le Front national premier parti de France, les deux Le Pen en position éligible à la tête de deux régions : Marine Le Pen peut remercier deux acteurs politiques pour ce succès, le groupe Etat islamique et François Hollande. 


Ça peut sembler anachronique, et il ne faut pas nier l’efficacité de la stratégie politique du FN qui lui a permis de poursuivre sa conquête des électeurs. Mais il ne faut pas non plus nier ces deux facteurs clés qui lui ont permis d’atteindre ce niveau record.

Marine Le Pen, Louis Aliot et Robert Ménard le 1er décembre au cours d’un meeting des régionales -

Merci Daech !

Les attentats du 13 novembre ont évidemment pesé sur ce scrutin sans véritable campagne.
Le choc des 130 morts du Bataclan et des autres cibles des djihadistes a, comme on pouvait le redouter, avantagé le parti qui prône la plus grande fermeté, et qui distille depuis toujours un discours anti-islam pernicieux.
Le paradoxe est que le FN n’a pas eu besoin de trop en faire pour surfer sur la peur provoquée par ces attentats : il a suffi à Marine Le Pen de prétendre avoir tout prévu, et d’affirmer avoir les solutions aux menaces qui pèsent sur la France, pour que le message passe à un moment de doute.
La surenchère sécuritaire dans laquelle s’est engagé le gouvernement, avec l’état d’urgence, les perquisitions à outrance chez les barbus ou supposés tels, les contrôles aux frontières, la dénonciation des échecs sécuritaires européens, les projets de loi sécuritaires à venir... Tout cela est du miel pour le FN.
 
Ce faisant, c’est exactement le calcul que pouvait faire Daech qui, selon tous les experts, cherche à provoquer la guerre civile, ou du moins de fortes tensions entre Français musulmans et non musulmans. Des régions présidées par le Front national, c’est plus de discriminations, de stigmatisations, de xénophobie.

Merci François Hollande !

Mais le FN était déjà très haut avant les attentats, et ceux-ci n’expliquent pas tout. Incontestablement, le discrédit de la classe politique traditionnelle, de droite comme de gauche, est au cœur de la poussée du Front national, aujourd’hui encore plus qu’hier.
Et François Hollande, puisque c’est lui qui préside le pays depuis trois ans et demi, porte une responsabilité particulière, ce qui n’exonère en rien son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.
Le discrédit de la gauche de gouvernement qui s’exprime dans ce premier tour de scrutin est moins l’absence de résultats, notamment sur le chômage, que la longue liste des renoncements et des promesses non tenues, qui ont contribué au discrédit de la politique elle-même.
L’élection de François Hollande en 2012 constituait une dernière chance d’alternance pour prouver que le slogan « UMPS » de Marine Le Pen était faux. Raté : à peine élu, l’« ennemi de la finance » et de l’austérité s’est coulé dans le moule de son prédécesseur, à quelques inflexions près.
Au passage, le gouvernement majoritairement PS a démobilisé ses propres électeurs, dont une bonne partie, ce dimanche, se sont retrouvés dans les rangs des abstentionnistes. Et cet échec a même asséché le vivier de la « gauche de la gauche » et profité à une seule force : le FN.

Et maintenant ?

Comme à chaque scrutin désormais, les électeurs de gauche se posent la question : on fait quoi maintenant ?
La question dépasse largement les discussions tactiques sur le deuxième tour de scrutin, qui mobilise les états-majors mais passe au-dessus de la tête de la plupart des électeurs. Certes, la priorité est d’empêcher les victoires du FN là où c’est encore possible, mais ça ne suffira pas.
Il s’agit de la recomposition de l’« offre » politique, comme on dit. Nul ne peut se contenter de ripoliner les partis actuels, tous à bout de souffle, sans exception.
Les citoyens sont nombreux qui cherchent à se retrouver dans une grande force politique intégrant les deux grandes révolutions de notre époque, celle de l’écologie et la numérique, qui sache convaincre sur la nécessité d’une Europe différente, qui sache assurer la cohésion sociale et humaine en France... La liste est longue, mais ces citoyens-là sont aujourd’hui orphelins.
Le resteront-ils éternellement ? Sommes-nous condamnés à nous contenter de voter au deuxième tour pour le candidat qui « fera barrage au Front national » ? Si on répond non à cette question, il est temps de se réveiller.