mardi 10 novembre 2015

TUNISIE, APRES #2

Un bref regard sur la Tunisie de juillet 2011.
Depuis cette époque, les choses ont bien changé....en pire.
Car maintenant, vous ne pourriez pas déambuler la nuit dans les rues désertes de Tunis ou de Sfax : vous risqueriez d'être  dépouillé(e) de tout de ce que vous avez, y compris de votre vie, et de votre humanité : les islamistes y veillent,  "au nom d'Allah et de son Prophète" proclament-ils sur leur sinistre noir caliquot. 
                                                                                                                           H. GENSERIC

Depuis mars, envie chaque jour de bondir hors de la France, de revenir ici. Tout est stressant, menaçant, dangereux, chaotique, anarchique ici, et pourtant impossible de s’en passer une fois qu’on y a goûté, souvent ce que disent les New-Yorkais de leur addiction à leur ville d’extraction.
Hôtel, quelques bières, déambulation dans les main streets tunisois. Lune pleine de chez pleine, disque dur, étants-garous, que ce soit un homme, un animal ou une caisse. La rue ci-dessous n’est pas située dans quelque banlieue tunisoise marginale, mais en plein centre, tout près du quartier à prostituées. Sensation d’installation généralisée. Ce qui décidément peut capturer l’âme du pays, ce sont les objets, leurs agencements. Même la rue photographiée ci-dessus l’est comme un objet. Vous aurez beau traverser la France de long en large, vous ne trouverez jamais un caddie comme ici, un frigo renversé pour la nuit, des chariots composés de tissu, de papier, de cloutages. Tout est d’une inventivité qui fait refluer les objets en-dessous de la tekhnè : ici même les voitures fonctionnent comme des animaux, des bourricots.
Je pourrais photographier les estropiés mendiants, les prolétaires du centre tunisien venus ici, les militaires et les flics à la dérobée, les femmes, montrer mes chats… les graffitis… mais ce sont encore les objets qui résument le mieux le pays où j’ai grandi. N’importe quelle caisse, N’importe quel ficelage, N’importe quel monceau de détritus, me ramène à l’enfance, à la singularité de l’ici tunisien.
Tout de même : l’été, d’habitude, tout est étonnamment vivant dans les rues. Là désertes. Un peu inquiétant, comme dans ces jeux vidéo d’avant-garde où on déambule seul pendant des heures avant de croiser âme humaine qui vive, généralement armée. Ou quelque chose d’un Shining en plein air… Je ne me démonte pas, et finis par rentrer tard.
Je dors mal. La pleine lune, probablement.
Photo & text Mehdi Belhaj Kacem[July 18 2011]
Mehdi Belhaj Kacem est un écrivain et un philosophe franco-tunisien.
Source : http://purple.fr/diary/tunisie-apres-2-a-diary-by-mehdi-belhaj-kacem/