mardi 20 janvier 2015

Monde : 1 % les plus riches possèdent plus de 99 % du reste de la population.


L'organisme caritatif Oxfam s'attend à ce que, l'an prochain, le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde dépasse celui des 99 % du reste de la population.
L'organisme international demande aux dirigeants qui se rendront cette semaine au forum économique mondial de Davos de freiner la tendance actuelle à l'augmentation des inégalités, notamment en « réécrivant les règles fiscales internationales ».

Dans un rapport publié lundi, Oxfam montre que la part du patrimoine mondial détenu par les 1 % les plus riches est passée de 44 % en 2009 à 48 % l'an dernier, et qu'elle dépassera les 50 % en 2016. Présentement, 80 personnes possèdent autant que 3,5 milliards de personnes.

2014
80
388
2010
177
2011
159
2012
92
2013
80
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La directrice générale d'Oxfam, Winnie Byanyima, qui coprésidera le forum de Davos cette année, qualifie de « vertigineuse » l'ampleur des inégalités mondiales. C'est pourquoi elle demande aux dirigeants internationaux de s'attaquer « aux intérêts particuliers des poids lourds qui font obstacle à un monde plus juste et plus prospère ».
Oxfam rappelle qu'une personne sur neuf ne mange pas à sa faim, et que plus d'un milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 $ par jour.
Oxfam appelle les États à adopter un plan pour lutter contre les inégalités en contrant l'évasion fiscale, en promouvant la gratuité des services publics, en taxant davantage le capital et moins le travail, en instaurant des salaires minimum ou encore en mettant en place une protection sociale pour les plus pauvres.
Selon Mme Byanyima, les inégalités extrêmes ne constituent pas seulement un préjudice moral pour les plus pauvres, mais elles sapent aussi la croissance économique et pèsent sur les profits du secteur privé.

Canada
5,000,000
2014
10,000,000
États-Unis

Japon

Chine
Canada

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Aux origines des inégalités

Bernard Élie, professeur d'économie à l'UQAM, estime que trois causes ont préparé le lit des inégalités dans le monde.
Il a désigné d'abord le « changement structurel de la fiscalité » à la faveur duquel l'impôt sur les revenus des entreprises et des plus nantis a largement diminué, alors que la taxe à la consommation a augmenté (introduction de la TPS au Canada, sous Mulroney).
Il note au passage que les salaires n'ont pas augmenté depuis une vingtaine d'années.
Il y a d'autre part le phénomène des paradis fiscaux qui privent les États d'importantes sources de revenus. « La grande mobilité des capitaux et le décloisonnement du secteur financier ont amené des possibilités énormes de détourner des capitaux et d'avoir des abris fiscaux », explique Bernard Élie.
D'où, analyse-t-il, l'absence de « mesures d'égalisation ou de soutien à la consommation ». C'est, selon lui, le cas au Québec où la rigueur budgétaire du gouvernement Couillard va « frapper le porte-monnaie des travailleurs moyens et de bas niveaux de salaires au Québec ».
Le professeur d'économie relève enfin une erreur dans les politiques économiques qui ont prévalu durant les dernières décennies, car les facilités accordées aux entreprises pour obtenir de l'épargne n'ont pas été toujours couronnées par des investissements.
Que ce soit durant les années 1980, sous l'ère Thatcher, au Royaume-Uni, et Reagan, aux États-Unis, ou encore pendant la crise de 2007-2008, « la baisse des revenus des entreprises et des hauts revenus n'a pas amené à une reprise économique. Au contraire, les entreprises ont accumulé les liquidités de manière très importante et les grandes entreprises font de l'évasion fiscale une forme de politique des revenus ».
Pour Bernard Élie, une meilleure répartition des richesses est certainement la meilleure solution à ces disparités, car cela a pour effet de stimuler la consommation et, par conséquent, la reprise économique.
« Il est absolument nécessaire que la demande, surtout pour de biens essentiels, reprenne et que les entreprises arrêtent, à travers des systèmes financiers, d'investir dans des secteurs qui sont improductifs, qui sont spéculatifs et qui entraînent encore plus une baisse des revenus des États », conclut-il. 


Alain Cotta, membre de la Trilatérale : "La démocratie est un leurre"

Alain Cotta, économiste, membre de la Commission Trilatérale, et auteur du Règne des oligarchies, déclare que,  partout sur la planète, le pouvoir est détenu par 1% de la population. C’est le règne des oligarchies, qui prennent "toutes les décisions qui nous concernent". Cotta distingue quatre types d’oligarques : les dirigeants des grandes entreprises de production et financières, les hommes politiques, les militaires, et les "oligo-riches".

L’économiste ne dénonce pas cet état de fait, dans la mesure où il lui semble assez naturel : "L’oligarchie ne me paraît pas du tout inquiétante, ça me paraît être, au contraire, le gouvernement naturel des hommes en communauté". En outre, comme il le souligne, l’oligarchie peut permettre, dans certains cas, une réelle participation démocratique, comme en Suisse avec l’usage fréquent du référendum.

Pour autant, dans la plupart des cas, "ce que nous appelons la démocratie est un espèce de leurre, qui nous fait plaisir, parce que nous préférons nous dire tous les matins que nous avons quelque pouvoir sur les décisions collectives et que nous vivons en démocratie plutôt qu’en oligarchie...".

Dans une interview à Scriptoblog,il avait également reconnu l’inexistence des démocraties : "Nulle part aujourd’hui il n’existe de démocratie directe, pas plus que représentative." Et alors qu’on lui demandait comment les oligarchies se prémunissaient contre la vindicte des peuples, il avait répondu : "Elles disposent de plusieurs moyens de protection : la réussite économique, la corruption et les moyens de détourner de l’attention des masses, désormais très efficaces : Internet, Twitter, facebook et plus généralement tous les médias de communication. Ajoutons que la complexité croissante des problèmes posés aux différentes collectivités nationales écarte naturellement la participation d’un très grand nombre d’individus à cause soit de leur incompétence, soit de leur indifférence à l’égard de solution qui ont peu d’influence sur leur vie quotidienne".

Dans la suite de son intervention sur Radio-Notre-Dame, Alain Cotta décrit son expérience au sein de la Commission Trilatérale, fondée par David Rockefeller et Henry Kissinger, avant d’évoquer la sortie de l’euro, qui gagne de plus en plus les esprits parmi les politiques, même s’ils pratiquent encore le double langage, dans les médias et en privé.
Hannibal GENSERIC