dimanche 4 janvier 2015

Les États-Unis ont cessé de payer leurs mercenaires opérant dans le nord de la Syrie

Les États-Unis ont abandonné l’Armée syrienne libre (ASL) dans le nord de la Syrie [1] :
« Les États-Unis ont cessé de financer la plupart des rebelles pro-occidentaux qui combattent dans le nord de la Syrie, et ont suspendu leurs livraisons d’armes à ces groupes, ont rapporté les généraux rebelles au journal McClatchy. »

Combattants d'al-Nusra changeant de position et se dirigeant vers Al-Zahraa, Alep.
Se retrouvant sans salaire, certains mercenaires de l’ASL rejoignent les groupes djihadistes :
« Au moins 800 à 1000 combattants provenant des groupes rebelles soutenus par les États-Unis ont déjà rejoint le Front al-Nosra… »
L’arrêt de ce soutien dans le nord est confirmé par d’autres rapports [2]. De nombreuses vidéos postées sur internet viennent également accréditer cette thèse. En effet, les Américains ont donné aux mercenaires des missiles anti-char TOW, en exigeant qu’ils mettent en ligne des vidéos prouvant leur utilisation. Eliot Higgins (qui n’est pas toujours fiable) les a recensées [3].
Les États-Unis continuent de payer de petits groupes de l’ASL dans la ville d’Alep, mais ceux-ci sont maintenant encerclés par l’Armée arabe syrienne et il est peu probable qu’ils puissent tenir leurs positions. Le fait qu’ils tiennent Alep est un symbole politique, c’est pourquoi les Américains souhaitent que cette situation perdure. Les émissaires des Nations Unies tentent de négocier un cessez-le-feu à Alep pour cette même raison. La Syrie et la Russie sont disposées à coopérer, mais Alep tombera vraisemblablement aux mains du gouvernement, avant que le cessez-le-feu ne soit signé.
Il faut aussi remarquer que certains médias occidentaux ne sont plus aussi bienveillants envers l’ASL, dont les atrocités sont enfin relayées [5].
Il n’en va pas de même pour les positions rebelles dans le sud, qui sont soutenues par les États-Unis, via la Jordanie et Israël. Sous le paravent de l’ASL, le Front al-Nosra mène une offensive sur le sud de Damas [6] :
Dans l’objectif de prendre Damas, le Front al-Nosra a mené une offensive continue au sud de la capitale, qui s’est soldée par des avancées significatives dans la province de Daraa et par la prise de la base militaire de la ville de Daraa. Comme la province de Daraa est voisine de celle de Damas (Rif Dimachq), ces avancées préparent le terrain pour une future offensive sur Damas même.
Les mercenaires officiels de l’ASL dans le sud ont annoncé une nouvelle alliance [7], mais celle-ci, comme les précédentes, est vouée à l’échec. Les États-Unis savent que le Front al-Nosra (Al-Qaïda en Syrie) est la force dominante dans le sud. D’où leur soutien au sud, mais pas au nord. Le colonel Pat Lang faisait remarquer :
« On m’a rapporté que l’effondrement quasi complet de l’armée fantoche des modérés de l’ASL a forcé les États-Unis à approcher en secret le Front al-Nosra : ils lui auraient proposé leur soutien, à condition qu’al-Nosra renonce à son habitude de massacrer les prisonniers à la manière de l’État islamique. Cela impliquerait une attitude plus tolérante vis-à-vis des journalistes américains. »
Chassez le naturel, il revient au galop : al-Nosra poursuit ses décapitations. Une vidéo tournée à Sheikh Miskeen, une ville à mi-chemin entre la Jordanie et Damas, qui est actuellement l’épicentre des combats dans le sud, montre des soldats syriens décapités, après que le Front al-Nosra a capturé un entrepôt militaire, suite à une attaque-suicide au véhicule piégé [9].
Le soutien américain au Front al-Nosra dans le sud est dirigé par la CIA, depuis la Jordanie. Mais ce soutien, ainsi que le programme d’entraînement en Jordanie, pourrait prendre fin bientôt, dans la mesure où les financements commencent à manquer. Du moins, le Congrès ne participe plus à ces aventures [10] :
« Alors que le Congrès se bat pour faire passer un projet de loi visant à financer le gouvernement pour le reste de l’année, un élément curieux et significatif a été jeté à la poubelle : une demande de rallonge de 300 millions de dollars pour le programme secret de la CIA visant à armer les rebelles syriens “modérés”, émanant de l’administration de Barack Obama. »
Je m’attends à ce que les attaques dans le sud s’essoufflent bientôt. Les États-Unis savent que dans cette guerre, leur camp ne peut pas gagner, que ce soit l’Armée syrienne libre ou le Front al-Nosra [11] :
« Dressant un état des lieux très sombre de la rébellion syrienne soutenue par les États-Unis, un membre officiel du Département d’État a déclaré mercredi [NdT : 10 décembre 2014] que l’opposition armée ne sera pas capable de renverser le régime de Bashar al-Assad, ni maintenant, ni dans un proche avenir, en dépit du programme mis en place par le Pentagone pour entraîner et équiper 5000 rebelles par an. »
Le Pentagone traîne délibérément des pieds avec ce programme. Il pourrait très bien y mettre fin avant d’avoir obtenu le moindre résultat.
Les seuls ennemis que l’Armée arabe syrienne a encore à combattre sont les restes de l’ASL/al-Nosra et l’État islamique.
La campagne de l’État islamique contre l’enclave kurde de Kobané s’est avérée jusqu’ici infructueuse. Les Kurdes tiennent leurs positions, et bien qu’il faille déplorer que la ville soit ravagée par les combats, l’État islamique est en train de perdre de grandes quantités d’hommes et de matériel. Les États-Unis, qui aident les Kurdes de Kobané avec quelques attaques aériennes, se satisfont de cette situation. Kobané est utilisée comme rempart, sur lequel viennent se briser, les unes après les autres, les vagues d’assaillants de l’État islamique, épuisant ainsi ses réserves.
L’État islamique a cherché de nouvelles cibles dans l’est de la Syrie, et a décidé d’attaquer l’aéroport militaire de Deir ez-Zor, tenu par l’armée syrienne. Plusieurs vagues d’attaques kamikazes ont été lancées, de grandes quantités d’infanteries ont été engagées, en vain [12]. Deir ez-Zor est bien ravitaillée et bien défendue, et devient un autre front, sur lequel l’État islamique gaspille ses ressources.
Les États-Unis ont abandonné les attaques dans le nord de la Syrie. Dans le sud, leur soutien au Front al-Nosra est indéfendable, que ce soit sur le plan politique ou sur le plan moral. Ils devront y mettre un terme, avant que les médias ne s’y intéressent de trop près. Sinon, certains républicains au Congrès pourraient estimer que le soutien à al-Qaïda par l’administration Obama relève de la destitution.
Bientôt, l’État islamique sera la dernière menace réelle en Syrie. Mais il est en train de perdre une grande partie de son énergie (et de son argent), à cause de ses lourdes pertes sur plusieurs fronts. Il représente toujours un ennemi sérieux, et peut encore créer la surprise ici ou là. Mais je doute qu’il représente une menace existentielle pour le gouvernement et le peuple syriens.
                                                                                
Notes :
[1] Rebels in northern Syria say U.S. has stopped paying them (mcclatchydc.com, anglais, 09-12-2014)
[2] Syrian Rebels See U.S. Abandoning Them (bloombergview.com, anglais, 12-12-2014)
[3] TOW videos posted by the opposition by month (twitter.com, anglais, 11-12-2014)
[6] Switching Places : New Threats from the Islamic State and Nusra Front (siteintelgroup.com, anglais, 1à-12-2014
[7] Syria’s southern rebels take step toward unity (reuters.com, anglais, 11-12-2014)
[8] Israel/Nusra Cooperation w/US help (turcopolier.typepad.com, anglais, 07-12-2014)
Source : Another Overview Of The Situation In Syria (moonofalabama.org, anglais, 13-12-2014)