lundi 19 janvier 2015

L'attentat de Paris replacé dans le contexte de la 3ème guerre mondiale

A qui profite le crime ? Quel est le plan des scénaristes de l'attentat ? Pour répondre, il faut, patiemment, comprendre d'abord quelles sont les contradictions principales et les rapports de force réels à notre époque. États-Unis contre Chine, en passant par la Russie, avec une Europe hésitante ; la domination unipolaire USA, maintenue par des guerres infinies, commence, après 25 ans, à se fissurer sous les coups de son déclin économique et de l'émergence d'autres Nations Souveraines, puissantes militairement (Russie) et économiquement (Chine), et qui ne sont plus disposées à rester soumises à la domination USA.
La Chine et la Russie ont besoin de temps, d'éviter le conflit frontal : les USA, au contraire, ont hâte de précipiter et anticiper le conflit, c'est pourquoi un nombre croissant d'analystes commencent à parler de 3ème Guerre mondiale et même du risque d'emploi d'armes nucléaires (en Ukraine ?). Nous sommes en particulier à l'époque de la recherche de conflit frontal avec la Russie, époque officiellement ouverte quand la Russie a empêché l'attaque contre la Syrie (septembre 2013), poursuivie avec le putsch USA en Ukraine, la riposte russe qui s'en est suivie avec l'annexion après auto-détermination de la Crimée et le soutien au Donbass, puis encore la riposte USA avec les sanctions et la destruction de l'avion de ligne malais, dont le but était de mettre fin aux hésitations de l'Europe pour qu'elle adopte elle aussi la politique des sanctions et du conflit avec la Russie déjà mise en œuvre par les USA.
La résistance du Donbass, l'aggravation de la crise économique en Ukraine, le poids croissant des sanctions russes contre l'Europe et la détermination de la Russie elle-même (encore plus encouragée par le soutien économique chinois), qui s'ajoutent à un contexte de crise persistante et de déclin économique, tous ces facteurs provoquent de nouveau des hésitations parmi les gouvernants européens. Dans les jours précédant l'attentat, aussi bien Hollande que la vice-chancelière allemande s'étaient prononcés pour la fin des sanctions.
Ceci n'est pas admissible pour les USA, surtout à la veille d'une nouvelle campagne militaire plus féroce dans le Donbass et le passage à un niveau supérieur dans le conflit avec la Russie. Ce n'est pas admissible non plus parce que nous sommes à la veille de la possible signature du TTIP, l'accord économique qui pliera l'économie européenne aux volontés et aux tribunaux des multinationales et du gouvernement USA. La signature du TTIP est l'acte stratégique déterminant qui unifie l'OTAN aussi au niveau économique, et scelle l'alliance USA-UE contre le reste du monde.
C'est pourquoi, du point de vue des USA, si, aux premières hésitations européennes l'été dernier, on a forcé la main à l'Europe avec l'attentat contre l'avion (deux jours avant la décision UE sur les sanctions contre la Russie), aux hésitations actuelles, on répond avec l'attentat de Paris et la menace d'une longue série d'autres attentats sur tout le territoire européen.

Que produit un grave attentat "ethnique" en Europe ? 

Peur parmi les populations, réaffirmation de l'identité occidentale, repliement, et "resserrage des rangs" autour d'une direction forte comme celle du "chef de file de la civilisation" occidentale, les USA. Les gouvernants européens sont avertis ! Pour l'exécution des actes de terrorisme, il suffit de la structure déjà abondamment expérimentée en Italie, Gladio/Stay behind, et, au besoin, le Mossad israélien qui a quelques motifs de rancœur contre la France et l'UE, qui ont timidement manifesté l'intention de reconnaître l’État palestinien. Si donc l'attentat est un message fort des USA à l'Europe, nous verrons comment les gouvernants européens essaieront de réagir, et nous le verrons en particulier sur le terrain russo-ukrainien ; si l'Europe se dirige vers le retrait des sanctions contre la Russie, nous pouvons prévoir de nouveaux attentats.

A qui cela profite-t-il encore ? 

D'après ce qu'on sait des enquêtes sur l'attentat de Piazza Fontana (1), il semble que le gouvernement Rumor en ait eu connaissance à l'avance, mais qu'il ne pouvait pas l'empêcher ; il essaya donc d'en tirer profit. Il se peut que ce scénario ne soit pas vraiment improbable cette fois encore en France, vu le comportement de la Police et l'élimination, en tant que possibles témoins, des présumés coupables. Les élites françaises et européennes peuvent aussi en tirer des bénéfices ; comme l'a démontré le 11 septembre, les principales victimes et cibles des attentats sont les populations internes et celles choisies comme boucs émissaires.
Hollande a reconquis un peu plus de popularité, et contenu dans les marges son adversaire Le Pen, pendant quelque temps la population française pensera plutôt à l'ennemi "autre" qu'à la crise et aux patrons de son pays, une proportion significative des travailleurs immigrés intimidés sera réduite au silence, les contrôles de police sur les populations européennes augmenteront, et on verra monter une xénophobie extensible à tous, aux musulmans, mais aussi aux Chinois ou aux Russes ; on justifie une augmentation des dépenses militaires, comme l'OTAN l'avait fortement réclamé en septembre, et, sait-on jamais, une nouvelle aventure militaire à la sauce européenne aussi.
Étant donné que l'Europe est en déclin économique irréversible (la dette est en continuelle augmentation partout, et la création de valeur et la production industrielle en baisse), il n'y a pas de perspectives de croissance, sauf (et peut-être) un renversement d'alliances et une intégration économique avec la Chine et les Pays en voie de développement (ou alors : une reddition pour arracher quelques concessions). Il s'ensuit qu'un renforcement de l’État policier, européen ou national, est pour les élites un excellent système pour gérer l'état de crise et contenir de probables troubles sociaux. Après tout, c'est ce que font les USA depuis le 11 septembre 2001 :moins de droits, moins de liberté, plus de contrôle (NSA), armer la Police en vue de possibles troubles, et préparer des camps de rassemblement/rétention des futurs rebelles (FEMA).
 
N'oublions pas que cette virulente crise économique que, depuis 2008, on continue à retarder en faisant marcher la planche à billets à gogo, et en accroissant le niveau d'endettement, peut exploser à tout moment. C'est pourquoi ils doivent contrôler, prévenir, détourner l'attention et se préparer à trouver un coupable pour l'échec du capitalisme actuel.
"Luigi", Sinistra En Rete 
Traduction : Rosa Llorens
 
L’auteur :
"Luigi" a écrit ce commentaire en réaction à un article d'Elisabetta Teghil, Apprentis sorciers et joueurs de flûte, paru le 16 janvier sur sinistrainrete : E. Teghil rappelle que les véritables responsables sont ceux qui ont déchaîné le fondamentalisme islamique, depuis le renversement de Mossadegh en Iran à la guerre fomentée en Syrie, en passant par le démembrement confessionnel de la Yougoslavie; elle conclut que la lutte à mener est plus que jamais la lutte de classes.
 
Note :
 (1) Attentat à Milan en 1969, qu'on a d'abord voulu attribuer à un groupuscule anarchiste, et qui donnait en fait le coup d'envoi de la stratégie de déstabilisation prévue par le plan Gladio, mis en place par les USA pour empêcher le "compromis historique", c'est-à-dire la participation au pouvoir du PCI.
Lien : http://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/4587-elisabetta-teghil-apprendisti-stregoni-e-pifferai.html

Commentaires

I- On pourrait se demander pourquoi ceux qui veulent le clash entre civilisations se donnent tant de mal et dépensent tant de milliards pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C’est qu’ils ont besoin d’avoir l’opinion publique de leur côté. Sans elle, ils ne sont rien et ne peuvent rien, mais, grâce à elle, ils peuvent tout se permettre. Ils n’auraient jamais pu bombarder l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye s’ils n’avaient pas cette opinion de leur côté. Grâce à leurs milliards, ils ont réussi à faire en sorte que de parfaits assassins se transforment, aux yeux de l’opinion, en doux rebelles combattants pour la liberté en Afghanistan et en Syrie. De la même manière, ils ont réussi à ramener ces combattants de la Liberté à leur état initial d’assassins, juste en les faisant bouger de quelques kilomètres vers régions où il y avait besoin de bases ou d’intervention militaire, en Irak ou au Sahel, par exemple. Ils ont même réussi à faire accepter le fait qu’un même individu soit considéré par une haute figure de la république comme quelqu’un qui « fait du bon boulot » en Syrie, à condition qu’il ne s’avise surtout pas de revenir en permission chez lui, en Europe, auquel cas il redeviendrait un exécrable djihadiste « connu des services de police », alors que tout porte à croire que ces personnes restent prises en main et sous contrôle du jour de leur recrutement à leur mort en Europe ou sur le champ de bataille, sans aucune possibilité d’en voir au moins un comparaitre un jour devant un tribunal pour nous permettre de savoir qui ils sont vraiment.
Pourquoi les gens sont-ils enclins à croire ces balivernes ? La simple désinformation ne suffit pas comme explication. Il faudra qu’un jour les sociologues, les anthropologues, les psychologues et, pourquoi pas, les psychiatres, se mettent à sérieusement étudier la question. Il en va de la survie de l’humanité. 

II- D’où provient tout cet intégrisme islamique des temps modernes ? 
La plupart vient – formé, armé, financé, endoctriné – d’Afghanistan, d’Irak, de la Libye et de la Syrie. Au cours de différentes périodes, des années 1970 à nos jours, ces quatre pays ont été les états-providences les plus laïcs, modernes, instruits du Moyen-Orient. Et qu’est-il arrivé à ces états-providence laïcs, modernes et instruits ?

- Dans les années 1980, les États-Unis ont procédé au renversement du gouvernement afghan qui était progressiste, où les femmes jouissaient de tous les droits, pour aboutir à la création des talibans et leur prise de pouvoir.
- Dans les années 2000, les États-Unis ont renversé le gouvernement irakien, détruisant non seulement la laïcité, mais aussi un état civilisé, dont il ne reste que des décombres.

- En 2011, les Etats-Unis et leur appareil militaire de l’OTAN ont renversé le gouvernement libyen laïc de Mouammar Kadhafi, laissant derrière eux un état de non-droit et en répandant des centaines de djihadistes et des tonnes d’armes au Moyen-Orient.
- Et depuis quelques années les États-Unis tentent de renverser le gouvernement syrien laïc de Bachar al-Assad. Ceci, avec l’occupation américaine qui a déclenché une guerre généralisée entre sunnites et chiites en Irak, a conduit à la création de l’Etat islamique avec toutes ses décapitations et autres pratiques charmantes.
 
Mais malgré tout cela, le monde est plus sûr pour le capitalisme, l’impérialisme, l’anti-communisme, le pétrole, Israël et les djihadistes. Allah est grand ! et le Pétrole est son Prophète !
 
Depuis de la guerre froide, et la multiplication des interventions énumérées ci-dessus, nous avons affaire à 70 ans de politique étrangère américaine, sans laquelle – comme le faisait remarquer l’écrivain russo/américain Andre Vltchek – « presque tous les pays musulmans, dont l’Iran, l’Égypte et l’Indonésie, seraient aujourd’hui très probablement socialistes, sous la direction d’un groupe de dirigeants très modérés et plutôt laïcs » . Même l’ultra-répressive Arabie Saoudite – sans la protection de Washington – serait probablement un pays très différent.