dimanche 18 janvier 2015

France. Lexique des néo-fachos



Antiracisme, contre-colonisation, Grand Remplacement, indigène, lynchage, transports en commun: les penseurs de la «France aux Français» ont un lexique bien à eux. Petit glossaire de la guerre.


Antiracisme, contre-colonisation, transports en commun, immigré, pays réel... Plongée lexicale dans l'univers identitaire. (Sipa/DR)
 Antiracisme, contre-colonisation, transports en commun,
immigré, pays réel... Plongée lexicale dans l'univers identitaire. (Sipa/DR)



Antiracisme
Idéologie cauchemardesque qui a pris le pouvoir en France dans les années 1980. «Communisme du XXIème siècle» selon Alain Finkielkraut, «branche terroriste » du nihilisme et avatar du « Démon» pour Richard Millet, l’antiracisme prône «une société sans discrimination ni frontière» (« Valeurs actuelles »), horizon monstrueux qui fait froid dans le dos. «A la maladie nazie et à la névrose communiste a succédé le conditionnement antiraciste.» (Millet toujours) Quiconque ne s’y soumet pas est lynché (voir Lynchage), et/ou devient célèbre.

Autre

Espèce en voie de disparition, puisque l’antiracisme*, dans son refus de la frontière, désire «l’avènement du Même*». «C’est précisément par là qu’il rejoint le pire des racismes» («Eléments»). L’antiraciste, derrière son masque, est donc le vrai raciste. En revanche, l’inverse de l’antiraciste, auquel on cherche en vain un nom plus ramassé, aime l’Autre. Surtout quand il est Ailleurs (voir Majuscule).

Civilité

Valeur fondatrice d’un parti comme l’In-nocence*, au même titre que «le civisme», «la civilisation», «l’urbanité» et le «respect de la parole». Se comprend surtout par opposition aux incivilités, également appelées «nocences», qui ravagent la société française: «pieds sur les banquettes», «cueillaison privée de fleurs publiques», «bruits d’enfants» (voir Décivilisation). Défendre la civilité en toutes circonstances impose par exemple de comparer les immigrés* à des «cambrioleurs» (Renaud Camus), ou d’observer que les gamins tués par Breivik, après tout, «n’étaient que de jeunes travaillistes» (R. Millet).

Contre-colonisation

Synonyme de Grand Remplacement*, présentant l’avantage de souligner sa dimension barbare et belliqueuse, puisqu’il est bien entendu que les immigrés nous ont déclaré la guerre. Ne pas craindre d’être totalement illogique en dénonçant par ailleurs l’usage abusif du terme «colonisation» pour évoquer l’ancien empire français. Car «sauf peut-être en Algérie, et bien avant cela au Canada ou en Louisiane, la France n’a pas procédé à une colonisation à proprement parler» (R. Camus).

Curés

Terme à connotation péjorative sous la plume de gens qui revendiquent haut et fort leur catholicisme, pour attaquer tous ceux qui ne sont pas d’accord eux. On peut aussi, au nom d’un Occident chrétien millénaire, traiter ses adversaires d’apôtres, de dévots, de bigots (D. Tillinac), et reprocher à ces inquisiteurs de mener des procès en sorcellerie. Cette récupération lexicale osée permet, jusque dans le très pieux «Valeurs actuelles», de dégainer l’arme suprême: Voltaire, qui comme chacun sait aimait beaucoup se rendre à la messe.

Décivilisation

Concept central de la philosophie politique de Renaud Camus, au point d’en avoir été détaché pour constituer la matière de son Opus Magnum,  «Décivilisation», d’ailleurs dédié «à Richard Millet, fraternellement». La décivilisation repose sur l’égalité revendiquée entre «les sexes», «les âges», et les «niveaux d’expérience».

Déculturation (Grande -) 

Précédant la décivilisation* d’un tome, la Déculturation est aussi «Grande» que le remplacement. (L’histoire ne dit pas pourquoi la décivilisation n’est pas Grande, pour Camus.) Editée en 2008, la «Grande Déculturation» vise l’école, en tant qu’elle est la fossoyeuse de la culture française. Dans l’«Abécédaire de l’In-nocence», l’entrée Déculturation comprend quatre communiqués: le premier sur la désignation au Sénat du «Plus grand Français de tous les temps» (avec Coluche et Bourvil, mais sans Proust et Cézanne); le deuxième sur le battage médiatique fait autour de la mort de Mickael Jackson; le troisième sur la prononciation erronée du nom d’Eric Raoult; le quatrième sur le statut social et culturel des sportifs et des chanteurs de variété. Vivement la Grande Reculturation.

Dissidents

Appellation empreinte d’une grande modestie dont se gratifient les opposants à l’antiracisme, apparue dans le premier numéro des «Cahiers de l’In-nocence». Renaud Camus y proclame: «Nous n’avons d’autre ressource que la dissidence». Le dissident se réclame beaucoup de Soljenitsyne, tout en devant reconnaître, mélancolique, que «l’antiracisme dogmatique […] ne dispose pas encore de Sibérie.» (R. Camus)
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RENAUD CAMUS. Ecrivain, vit dans un château gascon. Fondateur du parti de l'In-nocence, il a été candidat à l'Elysée en 2012 avant de soutenir Marine Le Pen. (Sipa)

Grand Remplacement

Concept clé de Renaud Camus décrivant le «changement de peuple», ou substitution progressive d’une population par une autre: «Le Grand Remplacement en cours, en France et en Europe, des populations indigènes par des populations immigrées.» Comparable à la permutation des voyelles dans le grec ancien que les phonéticiens désignent par «métathèse de quantité», et qu’on explique aux élèves par la formule «la grosse mange la petite», ce phénomène s’accélère du fait que l’émigré, comme le catholique, a une fâcheuse tendance à se reproduire. Ce Grand Remplacement de la petite par la grosse a évidemment une connotation sexuelle.
Par ailleurs, «ni la guerre de Cent Ans ni l’Occupation allemande n’ont constitué pour la patrie une menace aussi grave, aussi fatale». Inutile d’objecter qu’il a, pour l’instant, fait un peu moins de morts.

Identité

A l’origine, notion complexe regroupant ce qui configure à la fois notre ressemblance et notre dissemblance à l’Autre*. Aujourd’hui, le mot désigne la certitude d’être chez soi entouré de gens absolument semblables, certitude menacée par le Grand Remplacement* et l’antiracisme*. «Je n’ai plus le droit de m’interroger sur mon identité.» (R. Millet)

Immigré

Divinité intouchable de la dictature antiraciste. «Figure noble, par excellence», «devenue esthétiquement et politiquement majoritaire» (R. Millet), l’immigré africain jouit en France d’un grand prestige et accapare l’essentiel des richesses du pays. A distinguer de l’immigré européen, qui n’est pas «susceptible de commisération, parce que Blanc et chrétien»: il faut aller voir les quartiers sinistres où s’entassent Britanniques, Hollandais et Suédois, en butte au mépris de tous et au harcèlement policier. Enfin, au bas de l’échelle sociale, se trouve l’indigène*, souffrant seul de sa condition minoritaire*.

 

Indigène

Français blanc et chrétien. Ne pas confondre avec les indigènes de l’époque coloniale, tels qu’ils étaient nommés par les Français blancs et chrétiens, qui n’étaient alors pas des indigènes. La raison de cette inversion est bien évidemment que la France a subi depuis une contre-colonisation*.

In-nocence

Nom donné par Renaud Camus au parti qu’il a fondé en 2002, et qu’il traduit lui-même par «la non-nocence, la renonciation ou le refus de la nuisance, l’engagement ou l’aspiration à ne pas nuire.» Il est inutile de le chercher dans les dictionnaires: faire compliqué quand on peut faire simple est un des prix à payer pour défendre et illustrer la langue* dans sa pureté originelle.
Richard Millet
RICHARD MILLET . Editeur, écrivain. Hostile à l'immigration musulmane et au multiculturalisme, il vient de faire scandale avec un "Eloge littéraire d'Anders Breivik". (SIPA)

Langue

Martyr du multiculturalisme. N’est déjà plus qu’un «fantôme», puisque même «le roman» est désormais un «lieu de sa destruction», comme dit Richard Millet. Heureusement, grâce à une poignée de génies qui, comme lui, «continuent d’être des stylistes envers et contre tout», la langue résiste à cette «paupérisation de la littérature» à coups de majuscules* emphatiques, de tournures ampoulées qui s’étalent sur vingt-cinq lignes, de néologismes délicats comme «remplacisme» (R. Camus) et de syntagmes raffinés comme «moins pire que…» (R. Millet).

Lynchage

Ou lapidation, assassinat, procès stalinien, cabale des dévots, fatwa. Sort funeste réservé au dissident. On parlera par exemple d’un «lynchage maccarthyste contre Zemmour» (Riposte laïque). Le lynchage est en général constitué de quelques éditoriaux hostiles dans la presse de gauche, atteinte intolérable à la liberté d’expression*.

Liberté d’expression

N’existe plus. Le dissident peut certes continuer à publier ses livres, cumuler les tribunes médiatiques et prospérer sur internet. Mais le Système (voir Majuscule) est bien rodé, puisque malgré tout ça, la liberté d’expression n’existe plus.

Majuscule

Placée au début d’un mot, la majuscule montre qu’on n’est pas face à un simple mot, mais face à un concept, donc quelque chose d’important: «l’articulation du Droit et du Marché, donc de la Propagande» (R. Millet). A noter: la majuscule souligne principalement le concept déplorable. Par exemple, on écrira: «Le Nouvel Ordre Moral prohibe même la consommation du saucisson et du vin à l’apéritif.» Avec des majuscules à «Saucisson» et «Vin», on ne passe plus pour un dissident*, mais pour quelqu’un qui aime l’alcool et la charcuterie de manière excessive.

Même

Malgré le soin que le dissident a de préserver l’Autre* dans son altérité, ledit Autre gagnerait à être un peu plus Même. En France, on attend de lui qu’il s’intègre et tombe la djellaba. A l’étranger aussi, d’ailleurs: «Le monde ne serait guère agréable si Alger ressemblait à Paris et Bamako à Madrid, parce qu’à la fin, tout ressemblera à tout. (Encore qu’il serait appréciable que les femmes de Kaboul puissent se vêtir comme celles de New York).» (Elisabeth Lévy)

Minoritaire

Condition de l’indigène*. «Jamais je n’aurais pensé me retrouver un jour minoritaire, sur le plan racial, culturel, religieux.» (R. Millet) Par déduction, l’immense majorité de la population française est composée de Peuls, de Sikhs, de Pachtouns, de Mandchous et de Kabyles.

Multiculturalisme

Fléau majeur, à base de femmes voilées et de sous-culture hollywoodienne, qui déferle sur la France et l’Europe depuis des années. Dans la novlangue des flics antiracistes de la Pensée unique, ce «nom de code» sert à masquer le Grand Remplacement*. Car ce «prétendu multiculturalisme» ne signifie rien d’autre que «la bêtification spectaculaire marchande, l’hébétude hyperdémocratique, la ruquiérisation des esprits, la politique cabaret, la Grande Déculturation» (R. Camus). Il a naturellement une grande responsabilité dans «la conversion de l’individu en petit-bourgeois métissé, mondialisé, inculte, social-démocrate – soit le genre de personnes que Breivik a tuées» (R. Millet).
Denis Tillinac
DENIS TILLINAC. Ecrivain, longtemps proche de Jacques Chirac. Il milite désormais pour une grande droite regroupant FN et UMP. ( (Sipa)

Nouvel Ordre moral

Ou «mondial». Expression, empruntée à H.G. Wells, décrivant l’emprise planétaire de la bien-pensance totalitaire. Denis Tillinac dénonce ainsi «les bigots du nouvel ordre moral» qui menacent la France «de renouer avec ses mœurs des années noires». Le dogme de la «pureté» (R. Millet) ne rappelle en revanche que de bons moments.

Novlangue

Redoutable outil carcéral mis en place, exactement comme dans «1984»*, par le Système. Car la novlangue ne se contente pas de prescrire des mots infâmes comme multiculturalisme* ou antiracisme*, elle en proscrit aussi: «les dernières menées révisionnistes contre la langue, en France, réclament par exemple la suppression de ‘‘mademoiselle’’ et de ‘‘race’’» (R. Millet). A ne surtout pas confondre avec les «éléments de langage» comme «remplacisme» ou «contre-colonisation»* forgés par Renaud Camus dans son «Abécédaire de l’In-nocence».

Pensée unique

Expression polyvalente, qui désigne aussi bien l’antiracisme* que l’ambition hégémonique des antiracistes. A noter: la pensée unique n’est pas réellement unique, puisqu’il en existe d’autres. La répression de ces dernières échoit à la police de la pensée*.

Police de la pensée

Ou politburo stalinien, tribunal inquisitorial de la bien-pensance, etc. Organe où siègent des avatars de Vichinsky, des procureurs, des épurateurs, etc. «La flicomanie des Torquemada de la rive gauche» (D. Tillinac). Ensemble des écrivains et journalistes chargés d’assurer le règne sans partage de la pensée unique*. Pour y parvenir, ses lieutenants publient des articles ou des livres. «La police de la pensée a envoyé les flics du Nouvel Observateur» (R. Millet). Attention: un penseur d’extrême-droite qui publie un article ou un livre n’appartient pas à la police de la pensée, mais à la dissidence (voir Dissidents).

Race

«Beau mot» déshonoré par Hitler. Hélas, «depuis cinq ou six lustres, est devenu tout à fait tabou dans notre langue, où pourtant il avait prospéré avec le plus grand naturel plusieurs siècles durant en toute tranquillité» (R.Camus). Le mot « nous manque », donc, puisqu’il s’avère absolument nécessaire pour définir un peuple, même si c’est pour lui faire dire la même chose qu’au mot peuple. Le cas échéant, reprocher à Hitler d’avoir rendu «suspects» de nombreux autres termes «indispensables au système de protection ontologique de l’Europe».

Réel

Ennemi de la gauche bien-pensante, qui est «contre le réel». (E. Lévy) «La réalité telle qu’elle ne doit pas être nommée» (R. Camus), c’est le Grand Remplacement*. Contrairement à la bien-pensance, la dissidence est lucide: elle considère qu’il suffit d’arrêter le cours des mouvements migratoires planétaires, pour revenir tant qu’il est possible à ce «pays réel»* (Charles Maurras, repris par Radio Courtoisie) bucolique de jadis où, comme on le sait, une population absolument homogène s’aimait d’amour à l’ombre des clochers et où la vie était sans douleur.

RER

Espace invivable où le dissident* constate qu’il est une minorité* menacée dans son propre pays. «Le RER B est un cauchemar, surtout quand je suis le seul Blanc.» (R. Millet) «Quiconque a déjà voyagé dans une rame entouré de gens vêtus de boubous ou de djellabas devrait avoir l’honnêteté de partager ce constat.» (E. Lévy). Renaud Camus parle quant à lui du «syndrome du Noctilien, du nom de cet autobus de nuit où fut roué de coups un jeune indigène, ainsi qu’il est tout à fait courant.» A noter: comme les agresseurs n’étaient pas des indigènes*, ce n’est plus la bonne vieille délinquance du pays réel*, c’est un signe du Grand Remplacement*.

Verticalité

Principe hiérarchique qui régissait l’ancienne société. Nous vivons une crise de la verticalité. «La chute de toute verticalité en un vertige horizontal.» (R. Millet) Dans l’horrible monde horizontal, le pays émergent donne des leçons au pays émergé, l’étranger perd toute déférence envers l’autochtone, l’inculte rechigne à subir le mépris du lettré, l’adolescent ricane devant les admonestations de l’adulte. Cette situation est évidemment inacceptable, principalement pour le vieil écrivain français. Il faut donc réhabiliter cette verticalité, du moment qu’on continue à en occuper le sommet.

1984

Grand roman antitotalitaire publié en 1949 par George Orwell, dans lequel chacun vit sous le regard de Big Brother, et où la Novlangue* en vigueur interdit toute liberté de pensée* en bannissant certains mots. A condition d’oublier que son auteur, socialiste déclaré, a combattu l’impérialisme britannique et le franquisme en Espagne, la référence est donc tout à fait adaptée pour dénoncer la férocité de la démocratie quand on soutient, comme Richard Millet, le régime de Bachar al-Assad. 
Illustration néo fachos
Les nouveaux fachos et leurs amis (Le Nouvel Observateur)
A noter: Millet lui préfère «le Meilleur des mondes» d’Aldous Huxley, parce qu’il «va plus loin dans l’évocation de cette catastrophe que sont la mondialisation anglophone et ses ‘‘dommages collatéraux’’». A noter encore: «le Camp des saints» de Jean Raspail, où l’Occident blanc périt devant un afflux d’immigrés miséreux, a été réédité en février 2011 avec une préface intitulée «Big Other». Il s’est vendu à 40.000 exemplaires en quelques semaines. Que faisait la police de la pensée? Il faut croire que le Big Brother antiraciste était en vacances.
David Caviglioli, Jacques Drillon et Grégoire Leménager

Source: Ceci est la version  longue du glossaire paru dans le dossier que consacre le "Nouvel Observateur" du 20 septembre aux "Néos-fachos et leurs amis"