dimanche 18 mai 2014

La nouvelle route de la soie

Le gigantesque projet de Nouvelle route de la soie, adopté en mars 2013, scelle l’alliance entre Beijing et Moscou. Le président Xi est venu à Berlin proposer de le poursuivre en Europe occidentale jusqu’en Allemagne. S’il devait être réalisé, il marquerait la fin de la supériorité états-unienne et la dislocation de l’Union européenne.
Projet sino-russe
La déclaration du président chinois Xi à Duisbourg comporte « des perspectives de croissance économique extrêmement prometteuses pour l’Eurasie ». Cela met en évidence que l’Allemagne et la Chine forment « deux locomotives économiques » situées à chacune des extrémités de la route de la soie et rappelle que le terme de « route de la soie » fait référence à « l’ancienne route commerciale et culturelle construite en 200 avant J.-C. sous la dynastie Han pour unir la Chine, l’Asie centrale, le sud de l’Asie, l’Europe et le Proche-Orient ».

Contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne et en Russie, la presse chinoise a accordé beaucoup d’attention à la « nouvelle route de la soie » : un projet de grande ampleur conçu par Pékin pour rapprocher cette ville de Berlin et de Moscou tant sur le plan géographique qu’économique, mais qui a une portée géopolitique bien plus grande. C’est pourquoi, lorsqu’il s’est rendu en visite à Duisbourg, une ville située dans la région sidérurgique et commerciale de la Ruhr qui, en plus d’être le plus grand port intérieur du monde, constitue un carrefour pour le transport et les activités logistiques en Europe, le dirigeant chinois Xi Jinping a appelé de ses vœux la construction de la ceinture économique de la route de la soie.
Ainsi, pendant que les États-Unis essaient de marginaliser ses concurrents grâce au Partenariat trans pacifique et au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (respectivement TPP et TTIP en anglais), deux accords qui devraient leur permettre de s’emparer des deux tiers du commerce mondial, la réalisation du projet de « nouvelle route de la soie » aurait pour effet d’unir la Chine, deuxième puissance économique mondiale —sur le point de détrôner les États-Unis—, l’Allemagne (première puissance économique à l’échelle européenne et quatrième à l’échelle mondiale) et la Russie (huitième puissance économique mondiale).
Aujourd’hui, la Chine et l’Allemagne sont reliées par le réseau ferroviaire international Chongqing/Xinjiang/Europe (ci-dessous)
L’agence de presse Xinhua a annoncé que, depuis son entrée en service en 2011, le réseau ferroviaire « Nouvelle Europe », a fait passer de cinq semaines (par la voie maritime) à  deux semaines (par voie terrestre) la durée du transport des marchandises. En 2013, la ligne de chemin de fer relie en douze jours Chengdu (capitale du Sechuan et sanctuaire des légendaires pandas) à Lodz (Pologne) en passant par les trois marchés émergents que sont le Kazakhstan, la Russie et la Biélorussie. Ce réseau, baptisé « Nouvelle route de la soie », est devenu « en reliant la métropole de Chongqing (sud-est de la Chine) à la ville de Duisbourg, la plus importante route commerciale du monde ».
D’aucuns prévoient que la Chine deviendra le principal partenaire commercial de l’Allemagne d’ici cinq ans, puisque les perspectives de croissance [de ses grands partenaires de l’heure que sont la France et les États-Unis] sont des plus limitées.

Pour les dirigeants chinois, la route eurasiatique constitue une « priorité stratégique », puisque la « Chine doit trouver de nouveaux marchés d’exportation, conserver ceux dans lesquels elle est déjà implantée, et réduire les disparités de développement entre les zones côtières bien développées, comme Shanghaï, et les régions de l’intérieur du pays nettement moins développées », de manière à « garantir la stabilité à l’intérieur de la Chine comme dans les régions avoisinantes ».

Le tracé de la nouvelle infrastructure passant par la Russie, le renforcement de la coopération entre l’Allemagne et la Russie devient indispensable et, en définitive, entre la Chine et ces deux pays. 

La Route de la soie passera par l'Afghanistan et reliera le Moyen-Orient à l'Eurasie

En effet, le de chemin de fer entre la province autonome du Xinjiang et l’Afghanistan est en cours de réalisation et devrait changer non seulement l’équilibre des forces dans la région mais également la donne économique des pays concernés. La ligne dont des segments sont déjà en construction, traversera le Kirghizistan et le Tadjikistan avant d’entrer en Afghanistan et de se séparer en deux branches, l’une vers l’Iran et l'Irak et les ports du Golfe persique, l’autre vers le Pakistan.

La « Nouvelle route de la soie » qui fédèrera plusieurs pays de la région dont l'Iran, l'Irak, la Chine, l'Inde et le Pakistan – pourra remplacer avantageusement pour l’Afghanistan et ses partenaires, la Pax Americana dont on a vu depuis des décades qu’elle était facteur de chaos et d’instabilité, et garantir stabilité et prospérité en Afghanistan. D’autant que le pays regorge de ressources minières immenses et non exploitées.
On remarquera aussi qu'une semaine avant qu’il entreprenne sa tournée des pays européens, le dirigeant chinois a reçu, à Pékin, Bin Abdulaziz Al Saoud, le prince héritier d’Arabie saoudite. Il lui a proposé de s’associer à la construction de la ceinture économique des routes de la soie.


Ainsi, la décision prise par la Chine de regarder dans la direction de son Occident tient compte d’une très importante question liée à sa sécurité, car ce pays serait très vulnérable à la fermeture du détroit de Malacca, par où transite 85 % de ses importations, dont 80 % de ses ressources énergétiques. 

L’ancienne Route de la Soie

Anciennement, la "Route de la soie" est un ensemble de routes commerciales et de transmission de la culture qui ont joué un rôle central dans les échanges économiques et culturels pour des régions entières du continent asiatique. Cet ensemble reliait l’Ouest et l’Est en permettant le contact entre des commerçants, des pèlerins, des moines et des soldats, de la Chine jusqu’à la Méditerranée, au cours de plusieurs périodes. S’étendant sur 7000 km, la Route de la soie prit son nom du commerce lucratif de la soie chinoise qui eut lieu tout au long de son parcours, et qui commença au cours de la dynastie Han (206 av. J.C. à 220 ap. J.C.).
 La Ceinture économique de la route de la soie prend « globalement » forme


Ce commerce le long de la Route de la soie fut un facteur significatif dans le développement des civilisations chinoise et du sous-continent indien, de même que la Perse, l’Europe et le monde arabe. La route ouvrit des échanges économiques et politiques entre ces civilisations très distantes les unes des autres. Même si la soie était certainement le principal produit chinois, plusieurs autres biens ont été échangés, ainsi que des technologies diverses. Des concepts religieux et philosophiques ont été partagés.

Conclusion

Un réseau complet de transports traversant la Chine et les pays d’Asie centrale, incluant des chemins de fer, des routes et des aéroports est maintenant érigé et ira en se développant. La Route de la soie, avec ses composantes anciennes et nouvelles, devrait par conséquent relier les plus gros marchés du Monde, au bénéfice des populations des pays traversés. 

La Grande Bretagne et les États-Unis en deviennent des pays périphériques, "superbement isolés", eux qui ont toujours cherché et cherchent encore à isoler la Chine et la Russie. Passé maître dans l’art de la balkanisation et de la déstabilisation, le couple anglo-saxon laissera-t-il sans réagir se développer l’axe eurasiatique tripartite Berlin-Moscou-Pékin, un axe susceptible d’instaurer un nouvel ordre mondial multipolaire ?

Hannibal Genseric