samedi 15 septembre 2012

Attaque islamo-impérialiste contre la Syrie : l'analyse d'un expert russe


L’entretien ci-après avec le professeur Andrej Fursov, directeur du Centre d’études russes à l’Université des sciences humaines de Moscou et membre de l’Académie internationale des sciences (Munich) a été publié le 9 août 2012 dans KP.ru. Partant de la situation actuelle en Syrie et du «Printemps arabe», l’historien russe tente des prévisions et des réflexions sur les développements à venir, allant du concret au global.

Pourquoi l’Occident est-il si pressé d’enfoncer les clous dans le cercueil du régime d’Assad?

Andrej Fursov: Ce pays de taille moyenne au Proche-Orient est tout à coup devenu le point le plus névralgique de la planète. L’ONU siège en permanence à son sujet. La Russie et la Chine y adoptent une attitude inflexible. Une flotte russe de bâtiments de guerre avec de l’infanterie de marine à bord a mis le cap sur la Méditerranée et fera aussi escale en Syrie. Les USA mettent 15 millions de dollars supplémentaires à disposition des «rebelles». Est-il possible que ça sente la grande guerre?

La guerre pour le gaz

En quoi la petite Syrie a-t-elle gâché la soupe au puissant Occident?

En tout, simplement. Procédons par ordre – allant du plus petit au plus grand, du régional au global. Dans les constellations proche-orientales et en général dans le conflit des Américains et des monarchies sunnites (Arabie saoudite et Qatar) contre l’Iran chiite, ce pays n’est pas seulement un allié de Téhéran, mais le membre d’une chaîne qui relie celui-ci avec les groupements chiites du monde arabe. Sans cet intermédiaire, l’influence de l’Iran dans le monde arabe serait passablement moins importante. Je ne veux même pas parler de l’oléoduc qui, provenant de l’Iran, traverse la Syrie. Sans solution de la question syrienne, les Anglo-Saxons, c’est-à-dire les Britanniques et les Américains, ne pourront pas prendre le risque de s’attaquer à l’Iran. 
Le régime syrien est de fait le seul régime fort et laïc du monde arabe. Le fait qu’il soit fort dérange les Atlantistes dans leurs plans de transformation du Proche-Orient et du monde entier. Qu’il soit laïc et en même temps économiquement couronné de succès dérange les dirigeants de l’Arabie saoudite et du Qatar.

Bien des gens disent qu’il s’agit de la première guerre pour le gaz naturel.

On a détecté des gisements de gaz naturel dans le Sud de la Méditerranée – autant en mer que sur terre en Syrie (Kara). C’est difficile de connaître leur dimension, mais ils existent. Le Qatar exporte du gaz naturel liquéfié à l’aide d’une flotte de tankers. Si le régime d’Assad s’effondre, le Qatar aura la possibilité de transporter directement le «combustible bleu» via le territoire syrien sur la côte de la Méditerranée. Cela doublerait au moins son volume d’exportations et gênerait simultanément les exportations de l’Iran. Le renforcement du Qatar sur le marché du gaz naturel affaiblit la position de la Russie. Si les Américains réussissent simultanément à prendre le contrôle du gaz naturel algérien, cela ressemblera bien à un blocage des exportations de gaz naturel pour la Russie. Ce qui signifie que les intérêts économiques du Qatar sont identiques aux intérêts géopolitiques des Etats-Unis, et à leurs efforts d’affaiblir la Russie autant que possible, car la Russie ne doit pas de nouveau se renforcer.

Les Anglo-Saxons sont des joueurs de billard au niveau mondial. Ils agissent par «chaos orchestré»

Cela signifie au fond qu’en Syrie, les Yankees attaquent indirectement le Gazprom aimé des Russes?

Les Anglo-Saxons sont des joueurs de billard au niveau mondial, ils travaillent selon le principe de tirer simultanément plusieurs balles d’un coup (ce qu’on devrait apprendre d’eux). Le chaos orchestré se déroulant au grand Proche-Orient sépare la Chine des sources de pétrole et de gaz naturel dont elle a besoin, ce qui entraîne en même temps une rupture entre la partie chinoise de l’Eurasie et celle de l’Europe occidentale. Le contrôle du pétrole et du gaz provenant du Proche-Orient signifie en première ligne le contrôle des Etats-Unis sur l’Europe, notamment sur l’Europe occidentale, ce qui serait favorable à un affaiblissement de la Russie et de ses positions. Et si un jour cela devait déplaire à l’Europe, on pourrait là aussi provoquer pour un oui pour un non quelques troubles arabo-africains – de telle manière que les citoyens rassasiés désireraient que ça prenne fin.
Cette logique (bien que ce ne soit pas la seule chose) détermine la poussée vers l’Est des élites de l’Atlantique nord à travers le monde arabe: la Tunisie, l’Egypte, la Libye. Actuellement, ils sont arrivés en Syrie. Cependant, les Atlantistes se voient confrontés dans ce coin de terre syrienne à une autre puissance mondiale, qui peut se mesurer à eux du point de vue économique et même militaire, mais qui représente une civilisation totalement différente. C’est la Chine avec sa poussée vers l’Ouest. La poussée de la Chine est une espèce de croisade pour gagner des ressources. Le Pakistan se trouve déjà sous l’influence de la Chine. Les Chinois ont depuis longtemps des relations avec les talibans d’Afghanistan. L’Iran est aussi un allié, bien que très spécial. Le sud de l’Irak est déjà de facto contrôlé par les alliés chiites d’Iran. Du point de vue géostratégique et géoéconomique, la Chine parvient ici pas seulement jusqu’à la côte de l’océan Indien, mais, vu sous cet angle, jusqu’à l’Atlantique (à savoir jusqu’à la côte syrienne de la Méditerranée). Pour le dire objectivement, en Syrie, les croisés occidentaux sont parvenus à la Grande Muraille de Chine. 
Pour la première fois, l’élite anglo-américano-juive, qui s’était formée au cours des derniers siècles et est devenue une conquête organisationnelle historique de l’Occident, a été confrontée ici à un adversaire mondial d’un genre non-occidental. Par ailleurs, le segment européen de l’élite occidentale se trouve en face d’un segment chinois pas moins ancien et peut-être même plus ancien, d’où il reçoit aussi l’expérience historique. Orienté tout autant vers les valeurs matérielles, le commerce et l’argent.

Le but de l’Occident: voir tomber la Chine, la séparer des sources d’approvisionnement en matières premières et l’étouffer technologiquement

Pékin a très bien compris que la Syrie n’est qu’une étape de la poussée principale des Atlantistes du Nord – et le but est de voir tomber la Chine, de la renvoyer à l’intérieur de ses frontières nationales, de la séparer des sources d’approvisionnement en matières premières et de l’étouffer technologiquement. C’est ce qui explique la position si dure de la Chine à l’ONU en ce qui concerne la Syrie.

En dépit des positions intransigeantes de Moscou et de Pékin, l’Occident ne se retire pas. Pourquoi donc?

Premièrement, cela ne fait pas partie des traditions des Anglo-Saxons de lâcher prise après avoir planté leurs crocs dans une proie comme un pitbull. Ils feront pression à fond jusqu’à ce qu’ils aient imposé leur projet ou jusqu’à ce que l’adversaire leur brise les reins. Deuxièmement, au cours des 25 à 30 dernières années, après avoir vaincu l’élite soviétique (il s’agit exactement de l’élite soviétique – elle a capitulé) ils sont simplement devenus arrogants. Ils se sont habitués à ce que la Russie abandonne tout et ils comptent sur le fait qu’ils peuvent faire pression sur l’élite russe, déjà rien que parce celle-ci a déposé son argent dans des banques occidentales. Troisièmement, et c’est la raison principale qui l’emporte sur toutes les autres: les mises sont beaucoup trop élevées, c’est le destin des élites de l’Atlantique nord elles-mêmes qui est en jeu, il ne s’agit pas du tout seulement de réserves d’hydrocarbures ou du Proche-Orient. L’Occident n’a pas d’autre possibilité que de foncer en avant. L’affaire se présente ainsi: en dépit de l’énorme potentiel matériel et d’information de cette machinerie gigantesque qui est dirigée par des géo-constructeurs et géo-ingénieurs supranationaux extrêmement expérimentés, les Etats-Unis font actuellement l’expérience d’une surtension des forces. «Nihil dat fortuna mancipio» – le destin n’accorde rien pour l’éternité! Le temps de l’Amérique est en train de passer. ... Aujourd’hui, l’Amérique rappelle l’Empire romain du temps de l’empereur Trajan (début du IIe siècle de notre ère). A cette époque, Rome a passé des offensives stratégiques à la défense stratégique; Rome a commencé à bâtir le limes et à abandonner quelques régions conquises, avant tout au Proche Orient.

Un chaos orchestré : afin que la place ne soit pas reprise par des concurrents en cas de retrait

C’est une analogie directe. Les Etats-Unis ont l’intention de quitter l’Afghanistan, et ils se sont déjà retirés de l’Irak …

Les résultats du Sommet de l’OTAN de Chicago, les 20 et 21 mai 2012, en ont apporté la démonstration: ni les Etats-Unis ni l’OTAN ne quitteront réellement le Proche-Orient et l’Afghanistan. Ce n’est pas pour cela qu’ils s’y étaient rendus. Il est toutefois vrai qu’ils doivent en «sortir» mais avant tout pour y installer un nouveau modèle de commandement. Et cela, tout simplement pour éviter que la place ne soit prise par les concurrents, c’est-à-dire par l’UE et surtout par la Chine. Voilà la vraie raison de ce nouveau modèle de domination de la région: un chaos orchestré. On ne peut imaginer de meilleur candidat pour installer ce modèle et le maintenir que les Islamistes, «les chiens de garde de la mondialisation à la mode américaine».
On voit donc au Proche-Orient – notamment dans le pays-clé qu’est l’Egypte – que le «Printemps arabe» a porté au pouvoir les Islamistes. En réalité, on leur a aplani le chemin. Mais, les Anglo-Saxons ont buté sur deux pays dans leur marche en avant, dans lesquels les Islamistes étaient faibles ou inactifs. Il s’agit de la Libye et de la Syrie. La Libye a déjà été écrasée par l’atroce attaque de l’OTAN, la Syrie est actuellement assiégée. L’armée syrienne se bat contre le terrorisme international, qui est, comme il se doit, dirigé par les manipulateurs des dirigeants anglo-américains.

Le vrai visage des «amis de la Syrie»

Permettez, Andrej Iljitsch! Les médias occidentaux prétendent que le peuple s’est révolté contre le régime d’Assad. Les insurgés sont des Syriens qui ont déserté l’armée.

En sont responsables les médias occidentaux, ou autrement dit: les moyens de propagande de masse, d’agitation et de désinformation. Leur tâche est purement militaire, soit de mener une campagne de désinformation et de guerre psychologique. Les «rebelles syriens» sont dotés d’armes de précision, de canons antichars, d’appareils de détection à infrarouge, d’excellents fusils pour tireurs d’élite, et de bien des autres armes, de production turque pour l’essentiel. N’est-ce pas un peu beaucoup pour des déserteurs et des réfugiés? L’essentiel est, toutefois, l’organisation de ces combats. Depuis juin, la situation en Syrie a complètement changé. Assad se heurte à une culture d’état-major hautement qualifiée, de ceux qui planifient les diversions militaires dont seraient bien incapables les déserteurs, même au rang de capitaine ou de major. Les «insurgés» ont passé de la tactique d’usure et de harassement de l’armée syrienne à celle d’attaques massives, soutenues par des contingents comportant 25 000 à 30 000 hommes. Ces hommes armés viennent de Libye, de Tunisie, d’Afghanistan et d’autres pays islamiques. De les envoyer en Syrie permet aux Occidentaux et aux monarchies sunnites de résoudre un problème crucial. Car ces énergies meurtrières doivent être occupées quelque part. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles se mettent à travailler sérieusement, et un chien enragé peut aussi mordre son maître.

Le terrorisme international, contre lequel les Etats-Unis prétendent lutter, est en réalité leur arme, créée par eux-mêmes

Une partie des clans criminels syriens combattent avec les mercenaires professionnels et les terroristes internationaux contre les troupes gouvernementales; ils assassinent leurs propres voisins et accusent le régime Assad d’avoir commis ces horreurs. La situation en Syrie a mis au jour une réalité: Le terrorisme international, contre lequel les Etats-Unis prétendent lutter, est en réalité leur arme, créée par eux-mêmes. En Libye, c’est Al-Qaïda qui a accompli la tâche ordonnée par les Atlantistes. En Syrie, on a introduit les hommes d’armes de l’Islamiste Abd al-Hakim Balhadj, qui fut commandant des «insurgés» libyens. Il est le militaire le plus influent de Tripoli et lié à Al-Qaïda depuis longtemps. Cette organisation est un instrument parfaitement adapté pour les services secrets américains et britanniques. En cas de besoin, on peut les utiliser pour faire exploser ses propres Twin-Towers, puis rendre responsable l’organisation de Ben Laden. Et, si le besoin s’en fait sentir, on peut s’allier à cette organisation pour se lancer contre Kadhafi ou contre Assad. Al-Qaïda peut reprendre du service; comme le déclara en son temps notre patriarche Avvakoum «hier encore fils de pute, aujourd’hui déjà un prêtre».
Il doivent cesser de nous raconter des stupidités: les Syriens ne se battent pas contre les Syriens, mais contre l’élite anglo-saxonne qui mène sa guerre au travers des terroristes internationaux. ...

Les Etats-Unis ont de fait justifié les derniers actes terroristes à Damas qui ont coûté la vie à plusieurs membres du gouvernement syrien.

Il fallait s’attendre à une pareille action, et je ne pense pas qu’elle a été possible sans l’aide de services secrets occidentaux. Mais Bachar el-Assad tient bon, on n’a pas pu le briser au cours des 15 derniers mois, c’est pourquoi on vise maintenant à l’éliminer physiquement, lui et ses proches. On espère qu’une fois disparu, son régime s’effondrera. Y arrivera-t-on? C’est une autre question. Mais dans ce contexte, il y a autre chose qui est importante : l’élite occidentale s’est, après l’assassinat de Kadhafi, engagée ouvertement et sans scrupule sur la voie de l’assassinat de ces dirigeants, qui s’opposent à leurs projets, c’est-à-dire: sur la voie du terrorisme. Alors qu’avec Milosevic et Saddam Hussein on s’était donné la peine d’ouvrir un procès bidon, on a assassiné Kadhafi d’après des méthodes «concrètes» de grand banditisme et on n’a pas même caché sa satisfaction. Qu’on se souvienne de la scène présentant les dirigeants américains réunis à la Maison-Blanche devant le téléviseur pour assister à la mise à mort de «Ben Laden». Quand on tombe pareillement dans l’abrutissement et dans la dégénérescence morale, on se retrouve au niveau de la populace moyenâgeuse qui trouvait plaisir à assister aux exécutions. Les dirigeants occidentaux se comportent comme une organisation mondiale de criminels et ne s’en cache même pas. ..

Combinaison d’une tactique de désorganisation et d’attaques massives

Pensez-vous que l’Occident ira aussi loin?

Il vaut mieux poser cette question à cette organisation criminelle qui a ses «actions» à Washington, New York, Londres et Bruxelles. Nous ne pouvons qu’imaginer des variantes. La seule puissance militaire sur laquelle s’appuie l’OTAN est la Turquie, laquelle rêve de voir la Syrie divisée en quatre ou six parties, d’obtenir le contrôle de la moitié, ce qui commencerait à lui donner l’image de ce que nous avons connu comme l’Empire ottoman. Toutefois, une telle guerre serait un vrai risque pour la Turquie, du fait des positions de la Russie, de la Chine et de l’Iran, sans compter la question kurde, cela même avec l’aide de la technique militaire de l’OTAN. Et la Syrie elle-même n’est pas dénuée de force. On peut donc plutôt s’imaginer que la guerre actuelle continuera de la même manière, l’Occident s’efforçant d’écraser la Syrie au moyen des mercenaires, en combinant la tactique de désorganisation et d’attaques massives, tout en cherchant à liquider physiquement Assad. Les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont déjà trop investi pour la destruction du régime syrien et ne reculeront que si le prix d’une victoire est trop élevé.

Ont-ils vraiment autant investi?

Oui. Tant en ce qui concerne la finance que l’organisation. Déjà en 2006, on a mis en place le programme «Démocratie en Syrie», avec un financement prévu de 5 millions de dollars. En 2009, le «Conseil pour la démocratie», qui répartissait cet argent entre les acteurs qui voulaient «démocratiser» de l’intérieur les pays qui devaient être affaiblis par les Etats-Unis, reçut du Département d’Etat la somme de 6,3 millions de dollars pour le programme, lié à la Syrie, intitulé «Initiative pour le renforcement de la société civile» (il faut croire que les Anglo-Saxons s’imaginent qu’on met en place une société civile en faisant assassiner des femmes et des enfants par des mercenaires). 
Le «Syrian Business Forum» administre actuellement un budget d’au moins 300 millions de dollars. La moitié de ce montant sert à financer l’«Armée syrienne libre». L’Arabie saoudite et le Qatar, qui ont signé un accord secret à ce sujet, jouent un rôle important dans le financement des forces anti-Assad. Les positions des Saoudiens et du Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem Al Thani, démontrent parfaitement la collusion entre l’Occident et les Salafistes. C’est au Qatar que furent tournés des films sur de prétendus combats à Tripoli et à Damas, alors que ces combats n’avaient pas encore commencé. L’émir finança l’assaut de Tripoli et y envoya une troupe arabe de 6000 hommes qui portaient l’uniforme militaire du Qatar. D’ailleurs, c’était aussi Ben Dschassem qui ordonna l’attaque contre le diplomate russe Titorenko au Qatar.

La bataille pour l’Eurasie

Certains politiciens occidentaux pensent que la Russie accueillera Assad et sa famille. Partant de l’idée que le peuple syrien en sera reconnaissant à la Russie. Quelles peuvent être les répercussions pour la Russie de la chute du régime Assad?

La Syrie est notre seul allié dans le monde arabe. S’il chute, nous perdrions nos dernières positions dans la région. Mais il ne s’agit pas seulement du monde arabe. La Russie peut facilement disparaître de la carte. Après la Syrie et l’Iran (car il est plus que probable qu’après la Syrie, les Atlantistes envahiront l’Iran – les analystes émettent déjà le nom de cette opération militaire «La grande tempête», qui devrait commencer par une attaque américano-israélienne contre le Hizbollah) ce sera probablement notre tour. On peut donc affirmer qu’on vainc la Syrie (et l’Iran), mais ce qu’on vise finalement c’est la Russie. Les préparatifs sont déjà en route dans toutes les directions: la situation au Proche-Orient, le «bouclier anti-missiles», l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, etc.

Les affaires concernant le bouclier anti-missiles et l’extension vers l’Est de l’OTAN sont claires. Mais quels sont les liens entre la Syrie et l’Iran et notre sécurité?

Ils sont très proches de nos frontières et de nos zones d’influence – la Transcaucasie et l’Asie centrale. Si les régimes actuels de Damas et de Téhéran tombent, alors la zone du «chaos orchestré» par les Atlantistes s’étendra de la Mauritanie et du Maghreb, jusqu’en Kirghizie et au Cachemire. L’arc d’instabilité s’enfoncera comme un coin dans l’Eurasie centrale, d’où les Atlantistes menacent déjà directement la Russie et la Chine. Mais avant tout la Russie.

Tout cela pour la folie du pouvoir – au lieu d’acheter les matières premières

Pourquoi avant tout la Russie?

La crise du système mondial attendue augmente l’importance du contrôle des ressources de manière incommensurable. L’importance est encore potentialisée en prenant en compte les conditions de la catastrophe géo-climatique et géophysique pronostiquée. Je ne parle pas ici du «réchauffement global» mythique. Mais du recul prosaïque du courant du Golfe, du changement de la chaîne alimentaire dans les océans mondiaux (cela arrive une fois tous les 11 millénaires et demi à douze millénaires et demi) – ce sont là des bouleversements d’une dimension planétaire qui ont commencé environ au début du XXe siècle et se termineront environ dans le premier tiers du XXIIe siècle. Dans de telles conditions de crise et après une telle crise, la seule région stable avec suffisamment de ressources dans le monde est l’Eurasie du Nord, donc principalement le territoire géographique de la Russie. C’est pourquoi notre territoire devient l’une des plus importantes proies géo-historique du XXIe siècle et des siècles suivants. Les russophobes célèbres : Brzezinski, Albright et d’autres Occidentaux ont déclaré à plusieurs reprises, qu’il était injuste que la Russie dispose d’un tel territoire et de telles ressources. Cela devrait appartenir à la communauté mondiale – c’est-à-dire aux élites atlantistes, qui sont organisées en loges, clubs, commissions, ordres et autres structures exceptionnelles. 
Toutefois, pour cela, il est nécessaire d’obtenir le contrôle sur l’Eurasie du Nord, et le territoire pour déployer ses troupes est  l’Asie centrale. Les Américains sont déjà sur place. Bien qu’ils contrôlent déjà le Proche-Orient, ils sont néanmoins encore séparés de l’Asie centrale par la Syrie et l’Iran. Ici, la mèche qu’on a allumée en Afrique du Nord, reste jusqu’à présent interrompue et s’est éteinte. Sans la destruction de ces deux pays, les Atlantistes ne peuvent pas entamer leur combat pour l’Eurasie du Nord. Ils considèrent la Russie comme source de matières premières, la Chine comme source de main-d’œuvre, c’est-à-dire comme quelque chose de secondaire. Et si cette entité secondaire contrarie leurs plans, cela les rend fou. La solution pour la question russe et chinoise est abordée par l’Occident justement avec l’aide de l’Islam, des Arabes. Peu importe si cela se passe sous la forme d’un chaos orchestré, d’une nouvelle conquête arabe ou d’une guerre entre le Califat et les incroyants. 
Fidèles à leur tradition, les Anglo-Saxons s’efforceront de monter de grands Etats et des peuples les uns contre les autres, de les affaiblir, voire de les exterminer (deux fois au cours du XXe siècle, la Russie et l ’Allemagne ont été montés l’une contre l’autre), toutefois, ils s’efforceront aussi d’éliminer l’Islam. Cela se fait par sa radicalisation maximale avec le wahhabisme, le sevrage de sa force économique interne et démographique au cours des guerres eurasiennes, après quoi le monde islamique sera transformé plus tard en une sorte de Ghetto d’une nouvelle tradition, qui ne possèdera pas de propres ressources et technologies. 

Les mondialistes tenteront de briser le monde islamique en une quantité de petites unités, avec lesquelles des entreprises militaires privées ou des mercenaires de multinationales arriveront facilement à extraire de ceux-ci les restes de ressources pour ensuite s’en débarrasser sur la décharge de l’histoire. L’Occident n’exercera son contrôle que ponctuellement dans des endroits avec grande concentration de ressources (par exemple, aujourd’hui déjà, le contrôle de la côte méditerranéenne de la Libye longue de presque 1800 km); le reste, on le met à libre disposition de tribus, de clans et de syndicats criminels, parmi lesquels chacun contrôlera son petit morceau. Des parties de l’Arabie saoudite, du Pakistan (séparé du Béloutchistan), de l’Iran pourront aussi devenir de tels «morceaux» – une véritable mosaïque islamique. En même temps, l’Occident a besoin de surveillants dans la région et ce rôle peut aller au Grand Kurdistan. Un seul Etat, à qui il sera permis d’être grand. 
Note d'Hannibal Genseric : ceci rejoint exactement nos prévisions dans "le plan américano-israélien"  

Pourquoi? 

Sur le territoire du Grand Kurdistan, si celui-ci est créé un jour, se situeront les sources de tous les grands fleuves de la région. Cela veut dire que l’époque prochaine, pauvre en eau, et suite à cela, époque de guerres pour l’eau en tant que ressource, les plus importants leviers de l’influence dans la région – comme au temps de l’Empire assyrien – seront dans les mains du peuple séculaire des Kurdes. Le Kurdistan pourrait devenir le chien de garde le plus important de la région et remplacer Israël dans ce rôle. 

Ne pas faire confiance aux vipères

Que doit donc entreprendre la Russie dans la situation dramatique, qui se développe autour de la Syrie?

Ce que fait la Russie actuellement – c’est-à-dire soutenir la Syrie jusqu’à l’extrême, ne pas permettre qu’on l’écrase. Nous avons déjà envoyé des unités de marine de guerre, pas de grands contingents, mais mieux que rien. Si l’on doit conduire une guerre, alors on ne doit pas le faire par la quantité, mais par la qualité. De plus, le 7 juin, il y a eu des tests sur deux missiles balistiques intercontinentaux: un «Topol» (nous l’avons confirmé) et un «Bulawa» (nous ne l’avons pas confirmé, mais les Américains insistent du moins sur le fait qu’il y a eu un tel lancement). C’est un certain signe. Car la Russie est malgré toutes les réformes encore une puissance nucléaire et c’est nous, pas trop les Chinois, qui sommes considérés comme le principal adversaire par les Américains, et ils continuent et continueront à nous considérer comme tel. Il faut saluer le fait que la défense aérienne syrienne a déjà obtenu 18 unités de nos systèmes de missiles «Buk-M2» et 36 unités de nos systèmes de missiles anti-aériens du type «Pantsir S-1»; bientôt, il y aura encore des livraisons de systèmes S-300 et d’hélicoptères Mi-25. 
Je compte beaucoup sur l’impulsion de survie des dirigeants russes et sur le fait qu’on ait tiré les vraies conséquences des destins tragiques de Milosevic, Saddam Hussein et Kadhafi. Ceux-ci ont fait d’abord confiance à l’Occident et l’ont payé de leur vie.  
Finalement, une alliance politique et militaire internationale est nécessaire, qui est capable de maîtriser l’agresseur et de créer de la sécurité ou du moins une pause pour respirer de huit à dix ans. Pendant ce temps, la Russie peut arriver à remonter la pente et à se préparer pour la grande guerre du XXIe siècle – à la dernière grande chasse de l’époque du capitalisme, qui malheureusement est presque inévitable. A s’y préparer et à la surmonter.
Pour l’instant, il s’agit de tenir l’adversaire potentiel à l’écart et de soutenir les faibles, pour qu’ils repoussent cet adversaire qui vient de loin – ce n’est pas seulement stratégiquement, mais aussi moralement juste.

Enseignements et pronostics

Quelles sont les leçons à tirer de la Libye et de la Syrie pour la Russie?

Tout d’abord: n’aie jamais confiance, en aucun cas, en les dirigeants occidentaux. Ils nous considéreront toujours comme leur adversaire principal et au moment de notre faiblesse maximale, qu’ils essaient eux-mêmes de produire, ils frapperont de toute leur force et tenteront de régler la «question russe». Un jour, Leonid Schebarschin s’est exprimé ainsi: «L’Occident ne veut qu’une chose de la Russie: qu’elle disparaisse.» La manière dont on supprime les faibles, on l’a vu à l’exemple de la Libye. La manière dont on se casse les dents sur les plus forts, on le voit à l’exemple de la Syrie. 
Deuxièmement: Les variantes libyenne et syrienne de l’attaque de l’OTAN montrent, comment les évènements se développeront chez nous dans le cas d’actions militaires: la guerre est menée par des mercenaires, avant tout des Arabes, mais aussi par des entreprises militaires privées. Selon le modèle syrien, on tentera de déstabiliser le Caucase et la région de la Volga: on occupe une ville ou une partie de celle-ci, on perpètre des massacres, on en appelle à l’«opinion mondiale», qui exigera à des sanctions, des contrôles, des bases militaires, (nous en avons déjà une dans l’arrière pays, c’est-à-dire la base de renfort de l’OTAN à Uljanovsk).
Troisièmement: Malgré tout le rôle décisif du facteur extérieur, l’état de l’«objet», que vise ce facteur, joue dans la situation en Syrie un rôle extrêmement significatif: un système de gouvernement inefficient, la corruption etc., tout cela agrandit la cible. 
Il est certainement vrai qu’une menace extérieure peut souder et mobiliser la population, car il en a toujours été ainsi avec la Russie, que ce soit en 1612, 1812 ou 1941. L’adversaire ne le sait que trop bien. Dans ce sens, l’article de Henry Kissinger. Le «vieil Henry» met en garde l’Occident d’exercer trop de pression sur la Syrie, car cela pourrait avoir comme conséquence une position intransigeante de la Russie qui la pousserait à une confrontation avec l’Occident. Et cela cache le risque de perdre tout ce qu’on a récolté au cours des vingt dernières années à la suite de l’affaiblissement de la Russie. Ces résultats sont plus importants que la Syrie.

Kissinger, le vieux chien, va réellement au fond des choses!

Les exemples de dirigeants arabes pro-occidentaux comme Ben Ali ou Moubarak montre donc la teneur en vérité de la thèse de l’excellent géopoliticien russe Alexej Jedrichin-Wandam qu’«il n’y a qu’une chose qui puisse être pire que l’hostilité avec les Anglo-Saxons: c’est l’amitié avec eux». L’Occident, en particulier les Anglo-Saxons, ne garantissent jamais rien à personne et encore moins à quelqu’un qui a trahi son pays et son peuple. 
Comme le disait Voltaire: «Ecrasez les vipères»!    •
Source: Jewgenij Tschernych, KP.ru, le 15/8/12 
(Traduction Horizons et débats)

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